au monde. M. Triphon se demandait en quoi ce
resultat prevu, inevitable pouvait aggraver sa culpabilite. Ou bien, la
rage de M. de Beule venait-elle de ce qu'il avait appris la visite de
son fils chez Sidonie? Il sonda sa mere a ce sujet, car il lui parlait
desormais plus librement de l'histoire. Non, son pere l'ignorait encore.
Tout ce qu'il savait, c'etait que l'enfant etait ne et qu'il portait le
prenom de Triphon. De la sa grande colere.
M. Triphon aurait presque mieux aime que son pere en sut davantage.
Comme il ne manquerait pas de l'apprendre un jour, que serait-ce alors?
Le jetterait-il a la rue, comme il l'en avait menace? M. Triphon etait
pret a tout; il s'attendait au pire. Mais, quoiqu'il arrivat, jamais il
ne quitterait Sidonie, parce qu'il sentait bien, maintenant, qu'il
n'etait plus capable de la quitter. Il avait froidement envisage et
arrange son avenir. Apres bien des combats interieurs et des larmes il
avait enfin promis a sa mere qu'il n'epouserait pas Sidonie, mais, par
contre, il s'etait reserve le droit d'aller la voir de temps en temps;
la faible et malheureuse Mme de Beule s'y etait resignee. Desormais il y
allait regulierement trois fois par semaine, le soir. Il etait redevenu
l'habitue fidele, presque un membre de la famille. Sa place l'y
attendait, comme dans un cercle ou au cafe. Il y trouvait un repos et
une sorte de bien-etre, qui lui manquaient extremement a la maison. Sous
le manteau de la cheminee sa longue pipe pendait entre deux clous, son
pot a tabac se trouvait dans une armoire, tenu bien au frais par Sidonie
et sa mere. Sidonie etait completement remise; elle nourrissait son
enfant et devenait fraiche comme une rose. L'enfant en lui-meme
n'interessait plus autant M. Triphon. Il etait rare qu'il ressentit cet
emoi paternel de la premiere fois. Un petit etre uniquement occupe a
teter et a dormir, cela l'effarait comme quelque chose de monstrueux.
Par contre, toutes ces femmes empressees autour du petit animal qu'etait
son fils l'amusaient et l'animaient. Sidonie montrait a le choyer la
tendresse protectrice d'une mere poule, Lisatje et Marie etaient
jalouses l'une de l'autre et se querellaient parfois a qui le
dorloterait. Seule, la mere gardait son sang-froid. Elle surveillait de
tres pres M. Triphon et sa fille en repetant a toute occasion: "Faites
bien attention au moins qu'il n'en vienne pas un second". Mais M.
Triphon et Sidonie en avaient aussi peur qu'elle. On y veille, mere
|