e qui assiste a une revelation.
Ollewaert eut un grand soupir de soulagement, comme brusquement delivre
d'un poids enorme. Il enleva sa chique et la posa sur l'etabli, pour la
reprendre apres qu'il aurait bu. Pee, tout blanc de farine, quitta ses
moulins, et la figure de Miel, cette espece de veau, s'epanouit en un
large rire muet et fige. Il semblait enfin comprendre quelque chose a
tout ce qui s'etait passe et ce quelque chose le bouleversait de joie.
Ils burent avec des grognements de plaisir et, du coup, Leo lanca, sur
un ton encore un peu timide, son "Ooooo ... uuuu ... iiii ..." qu'on
n'avait plus entendu depuis des semaines. Sefietje, bouche close, sans
prononcer un mot, s'acquittait machinalement de sa tache, le visage
renfrogne, muree dans une hostilite sourde. Elle y mettait toute la
diligence possible; des qu'elle en eut fini avec les "huiliers", elle se
hata vers l'atelier des femmes. Mais avant qu'elle eut eu le temps de
disparaitre Justin-la-Craque vint se planter devant elle, suivi de Komel
qui portait une barre de fer, et lui demanda d'un air triomphant ce
qu'elle pensait de la facon dont il avait mis fin a la greve.
--Ce que j'en pense?... Que vous etes tous de fameux ivrognes! s'ecria
Sefietje indignee.
--Mais, Sefie! Mais, Sefie! Comment peux-tu dire!... protesta Justin
avec force.
A vrai dire, il avait deja une jolie pointe; ses yeux etaient vitreux et
fixes; et il se mit a fredonner en mode mineur: "Ooooooooooo..."
--Va-t'en! Laisse-moi passer! gronda Sefietje.
--Pepita...--peeeeee ... pepepepepita ... pepita-pepita! poursuivit
Justin avec un entetement d'ivrogne. Mais, brusquement, changeant de
ton: "Sefie, donne-nous aussi une goutte."
--Il me semble que vous en avez deja assez, grommela Sefietje.
--Nous! s'exclama Justin, feignant l'indignation la plus profonde. Rien
qu'un bol de cafe froid; pas vrai, Komel?
Komel affirma que pas une goutte d'alcool n'avait encore humecte leurs
levres; et, malgre elle, Sefietje, des larmes de rage aux yeux, fut
forcee de leur remplir deux fois le verre, tout comme aux ouvriers de la
fabrique.
Dans la "fosse aux femmes", lorsque Sefietje y entra, regnait encore la
plus vive effervescence. Aussitot qu'elle apercut la servante, Natse eut
une nouvelle crise de larmes; Lotje et "La Blanche", d'habitude si
douces et si timides, ne decoleraient pas, en calculant aprement ce que
cette greve idiote leur faisait perdre d'argent. Et, avec Sefietje, de
no
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