e d'esprit, n'avait pu
surmonter la deception de la greve manquee. Lui, Pierken, avait
vainement essaye, tous ces derniers jours, de lui remonter le moral:
le coup avait ete trop rude pour le pauvre bougre. Pierken lui avait
propose d'aller ensemble chercher de l'ouvrage en ville, ou leur sort
serait moins triste; il ne voulait pas. Il etait, malgre tout, trop
attache a son village; c'etait la et pas ailleurs qu'il voulait vivre
... et mourir.
Avec une rapidite incroyable, l'atroce nouvelle s'etait deja partout
repandue; et, en un rien de temps, M. de Beule fut sur les lieux, ainsi
que M. Triphon, Mme de Beule, Sefietje et Eleken. Les femmes n'osaient
pas aller voir au grenier et se tenaient, angoissees, au pied de
l'escalier. Mais M. de Beule s'avanca tout de suite avec autorite et
decreta que M. le bourgmestre et M. le cure devaient etre immediatement
avertis. Leo, qui avait de bonnes jambes, fat expedie au chateau et
Lotje alla querir le cure. En attendant, defense formelle, par ordre de
M. de Beule, de toucher au cadavre.
Le bourgmestre fut le premier sur les lieux. Il monta peniblement
l'escalier, en evitant avec soin de se salir. M. de Beule, avec son
respect inne de tout ce qui etait fortune et titre, adressa la parole en
francais a "Monsieur le baron". M. Triphon, fort impressionne, par cette
auguste presence, salua avec une gaucherie timide et se tint a l'ecart,
a distance respectueuse. M. le bourgmestre examina vaguement le cadavre
et constata sobrement:
--Il est mort.
--Oui, monsieur le baron; on l'a trouve pendu a cette poutre, repondit
M. de Beule.
Le bourgmestre regarda la poutre, ou pendait encore le bout de la corde
tranchee par Pierken, et M. Triphon, les ouvriers, suivirent son regard.
Sans faire attention a l'important et officiel personnage, Pierken
s'abandonnait a toute sa douleur sur le corps de son pauvre ami.
--Il faudra dresser proces-verbal, dit enfin le bourgmestre. Est-ce que
M. le cure est prevenu? Il faudra aussi faire constater le deces par le
medecin.
--Oui, monsieur le baron; j'attends M. le cure d'un moment a l'autre,
mais je n'ai pas encore fait appeler le docteur, repondit M. de Beule.
Au bas de l'escalier, un mouvement se fit et des pas acceleres monterent
les degres. C'etait M. le cure. Sans egard pour sa soutane, deja tachee
de poussiere, il sauta sur le plancher du grenier, serra lestement la
main du baron et de M. de Beule, se dirigea tout droit vers le cadavre,
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