dont il toucha de ses mains blanches la face violacee.
--Le corps est deja froid, murmura-t-il en regardant les autres d'un air
grave.
Il lancait des coups d'oeil autour de lui, comme si la presence de tout
ce monde le genait.
--Voulez-vous etre seul, M. le cure? demanda M. de Beule prevenant.
--Cela vaudrait mieux, avoua l'ecclesiastique.
M. de Beule se tourna vers les ouvriers:
--Allons, les gars, tout le monde en bas! ordonna-t-il.
Les hommes se presserent vers la trappe. Seul, Pierken manifesta quelque
hesitation, mais il s'en alla tout de meme.
--Vous pouvez rester, dit le cure a ces messieurs.
--Bah! ... nous n'avons plus rien a faire ici, opina le bourgmestre.
Il tendit la main au pretre et se dirigea avec precaution, les jambes
raides, vers l'escalier.
--Attention, M. le baron, ne vous faites pas de mal, s'empressa M. de
Beule, plein d'attentions.
--C'est que ... je ne suis pas ... habitue ... a un escalier aussi
raide, haletait le bourgmestre en descendant les degres avec des
precautions infinies.
--Est-ce que vous n'avez besoin de rien, M. le cure? demanda encore
M. de Beule.
--Merci, j'ai tout ce qu'il me faut.
A leur tour, M. de Beule et M. Triphon quitterent le grenier et le
pretre resta seul avec le suicide.
En bas, les ouvriers se tenaient en un petit groupe compact, pales, les
yeux anxieux. Les femmes restaient a distance; elles pleuraient,
apeurees.
--Faut-il mettre en marche, m'sieu? vint demander Bruun a voix basse a
M. de Beule.
--Attendez que M. le cure soit parti, repondit du meme ton M. de Beule.
Il donna un pas de conduite au bourgmestre a travers le jardin.
--Quelle est la raison de ce suicide? demanda ce dernier.
--Ca, M. le baron, c'est l'esprit du temps, l'infiltration du venin
socialiste, grommela M. de Beule d'une voix qui tremblait d'indignation.
--Il faudra des mesures energiques, tres tres energiques, pour combattre
ce fleau. Le gouvernement se montre bien trop faible envers ces
malfaiteurs, dit le bourgmestre.
Il tendit la main a M. de Beule et s'en fut en tirant la jambe vers son
chateau.
XIV
Le bruit courait,--et les bonnes gens craignaient bien que ce ne fut
vrai: Fikandouss, suicide, mort en etat de peche mortel, allait etre
enterre, avec les reprouves, dans le coin du cimetiere qu'on appelait le
"trou aux chiens".
Heureusement, il n'en fut rien. On raconta ensuite que M. le cure, seul
au grenier en presence du c
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