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it qu'ils acceptaient tacitement. Tout le monde a la fabrique, hommes et femmes, etait deja parti. Leurs sabots claquaient, lourds et lents, sur les paves sonores. Sur l'or du couchant on voyait leurs silhouettes qui se detachaient en noir. Les femmes marchaient a part, avec leur rancune. Il n'y avait plus que quelques rares curieux sur le pas des portes pour les voir passer. XI Ce fut le troisieme jour seulement que Pierken et Fikandouss revinrent a la fabrique. Victorine ne reparut pas. Ollewaert, furieux et brouille a mort avec sa fille, l'avait chassee de la maison. Elle s'etait refugiee chez des voisins et travaillait a faire de la dentelle. Les deux hommes avaient la mine sombre et renfrognee. Pierken dit bonjour aux camarades, sans plus; puis, de toute la journee, ne desserra pas les dents. Fikandouss ne dit meme pas bonjour. Les autres aussi, d'ailleurs, demeuraient silencieux. Le tonnerre des pilons avait seul la parole. A dix heures, lorsque Sefietje parut avec la bouteille, Pierken refusa sa goutte. Les autres le regardaient, stupefaits. Quoi! Pas meme un seul petit verre! " Non, pas meme un", repondit Pierken, bute. Chez Fikandouss, meme jeu. D'un geste decisif, il ecarta la bouteille. --Est-ce qu'on peut les boire, vos gouttes? demanda Ollewaert en retournant dans la bouche son enorme chique. --Non! repondit Pierken d'un ton cassant et net. Et Fikandouss repeta comme un echo: --Non! Les autres les regardaient de travers. L'irritation etait vive surtout chez Berzeel et Leo. --Mais, nom de nom, qui en profite alors! grogna Berzeel en toisant son frere avec indignation. --Vous tous, qui etes deja assez abrutis par l'alcool, repondit Pierken d'un ton acerbe. Les autres ne dirent plus rien, renfermes dans leur silence vindicatif. Les pilons rebondissaient et tonnaient. L'apres-midi, au repos de quatre heures, Pierken et Fikandouss allerent se mettre a l'ecart des autres. Pierken sortit son petit journal de sa poche et en lut un passage a mi-voix, pour Fikandouss. C'etait un article sur l'echec de la greve. On y tancait la population ouvriere rurale, esclave de la boisson, qui avait perdu tout sentiment de dignite, et assez abjecte pour troquer ses droits les plus sacres contre un verre d'alcool. Heureusement il existait encore quelques hommes parmi ce vil troupeau; et l'on citait par leur nom Pierken et Fikandouss, et on les offrait en exemple comme les futurs sauveurs de
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