il. Pierken proposa qu'une deputation
composee de trois ouvriers, deux hommes et une femme, se rendit aupres
de M. de Beule, afin d'obtenir que la journee de travail fut limitee a
dix heures au lieu de douze, avec une augmentation de salaire de
cinquante centimes par jour pour les hommes et de vingt-cinq centimes
pour les femmes. Si M. de Beule refusait, alors c'etait la greve.
Qu'est-ce que les camarades en pensaient?
--Que nous ne l'obtiendrons pas, dit Free avec un petit sourire
desenchante.
--Evidemment, nous ne l'obtiendrons pas, dit a son tour Ollewaert.
Leo et Poeteken se montraient tout aussi pessimistes. Pee, le meunier,
Bruun, le chauffeur, et les deux "cabris" ne disaient rien. Les femmes,
pareillement, restaient muettes, hormis Victorine, qui protesta
violemment: ce serait une honte si on n'obtenait pas ca. Feelken, qui
etait devenu tres sombre et renferme ces derniers temps, hocha la tete
en soupirant. On ne savait quelle depression, quelle tristesse semblait
detruire leurs illusions.
--Des foutaises, tout ca! De la m..... de chien! Rien du tout! lanca
brusquement Berzeel avec des yeux furieux.
--Et alors? Quoi? Tu es content de ton sort! s'ecria Pierken indigne.
--Contents ou non, nous n'avons pas le choix, dit Berzeel d'un ton
indifferent. Tout ce que je demande, c'est du genievre de meilleure
qualite et des verres plus grands. Pour le reste, je m'en fous!
--Ivrogne! lui jeta Pierken, trepignant de colere.
Mais les paroles de Berzeel avaient trouve un echo chez plusieurs
autres. Quelques visages s'animerent, les yeux brillants.
--Haaa!... Si c'etait possible! dit Free, qui s'en pourlechait les
levres avec gourmandise.
--Mais oui, nom de nom, dit a son tour Ollewaert. Oui; demandons ca!
Miel, espece de veau, qu'est-ce que tu en penses?
--Ha!... je ne pense rien, repondit Miel ahuri.
Tous eclaterent de rire, sauf Pierken, qui se leva, outre. Il se carra,
en imitant sans le savoir le grand chef socialiste de la ville; et,
comme lui, il dit, en paroles breves et mordantes, en promenant des
regards etincelants autour de lui:
--Bon. Si c'est la tout ce que vous desirez, vous n'avez plus besoin de
moi. Adieu. Arrangez-vous avec le patron. Moi, j'ai autre chose a faire.
Il voulait partir et tous eurent peur qu'il ne les laissat en plan.
Quelques mains se tendirent comme pour le retenir et a nouveau une ombre
de melancolie envahit les visages. "Attends une minute, Pierken; pas si
vit
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