t vers Mme de Beule ... "des etres humains, M. Triphon,
vous qui savez comme nous peinons, du matin au soir, pour vous et vos
parents! Dites-nous donc, M. Triphon, ce que vous pensez de nos
revendications! Dites-nous ce que vous feriez si...."
--Hors d'ici, propre-a-rien! Vagabond! hurla soudain M. de Beule, au
paroxysme de la fureur, en se tournant vers son fils, comme si celui-ci
eut ete la cause de tout.
--Qu'est-ce que ca veut dire, nom de Dieu! s'ecria M. Triphon colere et
ahuri, pendant que sa mere avait une crise de larmes.
--Je le tuerai ... je le tuerai ..., gueulait M. de Beule se demenant
comme un fou.
Et, ne sachant plus ce qu'il faisait, il alla donner des coups de pied
contre un tronc d'arbre.
Un brusque silence tomba. Les ouvriers, stupefaits, ne comprenaient
plus. Ils se regardaient entre eux, absolument deconcertes. M. Triphon
etait parti, en grommelant et jurant, humilie jusqu'au fond de l'ame de
cet affront subi devant leurs ouvriers. Mme de Beule n'etait que
gemissements, pleurs et supplications. Sefietje et Eleken avaient
completement disparu derriere les carreaux de la cuisine.
--Donc, monsieur, vous refusez? conclut, au bout d'un instant, Pierken
redevenu tres calme.
--Je fermerais plutot boutique mille fois! clama M. de Beule avec un
juron retentissant.
--Vous n'en aurez pas la peine; nous nous en chargeons, repondit Pierken
en regardant son maitre bien en face. "Venez les amis", dit-il en se
tournant vers ses camarades. "Nous n'avons plus rien a faire ici. Allons
manger notre tartine".
Sans un mot, ils s'en retournerent tous les trois, a travers le jardin,
comme ils etaient venus.
IV
Vive et amere fut l'impression sur les ouvriers de l'affront brutal fait
a leurs delegues. Ils le ressentaient chacun comme une insulte
personnelle. Longtemps ils avaient hesite avant de demander la moindre
chose; mais a present, ils etaient armes de volonte, ils exigeaient.
Jusqu'aux plus serviles d'entre eux, ils se revoltaient a la fin, prets
a une farouche resistance. L'injustice subie pendant toute leur
existence remontait et bouillonnait en eux. Pierken, dont ils s'etaient
tant de fois moques, etait maintenant leur plus ferme soutien, leur
guide inconteste, leur grand homme, celui qu'ils voulaient suivre et
dont ils attendaient le salut. Ils ne demandaient qu'a obeir a ses
ordres. Plus personne--les femmes pas plus que les hommes--ne craignait
les fureurs du patron. Et lorsq
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