un envol de jupes plus sourd,
mais, pendant tout le reste de la journee, on lui vit les yeux pleins de
larmes. Et le soir, Sefietje, les pommettes en feu, vint annoncer a Mme
de Beule que, tres probablement, Eleken quitterait son service a la fin
du mois.
Des bruits divers circulaient touchant les ouvriers et leurs
dispositions. Selon les uns, ils etaient fermement decides a maintenir
leurs revendications jusqu'au bout. Selon d'autres, les femmes des
grevistes se montraient beaucoup moins enthousiastes qu'eux; elles
commencaient a recriminer et insistaient pour que leurs hommes
reprissent le travail.
On les voyait assez souvent, la pipe au bec, les mains dans les poches,
par les rues du village, et passer volontiers, comme en maniere de
protestation et de provocation, devant la demeure des de Beule. Certains
d'entre eux tenaient a la main le petit journal socialiste et le
lisaient ostensiblement: on pouvait les voir de la maison du patron. Il
y avait deja eu un ou deux articles sur la greve de la fabrique de
Beule; naturellement, on y prenait parti pour les ouvriers, et M. de
Beule, dont le nom pretait aux allusions faciles par le son qu'il avait
en flamand, M. le Bourreau, y etait traite de negrier. Regulierement, le
patron trouvait ces numeros du journal dans sa boite aux lettres.
C'etait Pierken qui menait la bande et, parfois, il faisait en pleine
rue quelque allocution breve et violente, Victorine marchait a son cote,
le plus souvent la seule femme dans le groupe, parfois accompagnee de
Lotje ou de Zulma, Free, Poeteken, Leo, Fikandouss-Fikandouss, Bruun, le
chauffeur, Pol et le "Poulet Froid", Pee, le meunier et Miel, cette
espeece de veau, suivaient, tous l'air plus ou moins perdu et ahuri; ils
trouvaient le temps long, deconcertes par ces journees a ne rien faire,
auxquels ils n'etaient pas habitues, dans l'attente continuelle d'une
solution qu'ils avaient escomptee tres rapide et qui semblait
s'eterniser. Quant a Berzeel, il demeurait invisible. On le disait
retourne a son village, mais personne ne savait au juste. Les gens, au
passage des grevistes, venaient regarder curieusement sur le seuil de
leur porte; et tout le village etait soudain retombe a un calme et un
silence extraordinaires, depuis qu'on n'y voyait plus fumer la haute
cheminee de la fabrique, et n'entendait plus le tonnerre incessant des
pilons.
Parfois Justin-la-Craque et Komel faisaient un bout de conduite auc
chomeurs. La premiere fo
|