oie
a une sensation nouvelle et inconnue: une sorte de respect religieux
devant l'emouvant mystere de la maternite.
Elle lui sourit tres doucement et lui tendit une main pale et amaigrie.
Il l'etreignit avec passion, y appuya ses levres, eclata brusquement en
larmes violentes. Elles coulaient comme d'une fontaine: il pleurait
comme un pauvre petit enfant, que les realites de la vie accablent. Il
disait des choses incoherentes, noyees de remords et d'amour; il tomba a
genoux et demanda pardon pour tout le mal qu'il lui avait fait. Sidonie
se mit aussi a pleurer et gemir. Mais la mere intervint avec autorite:
ces emotions ne valaient rien pour Sidonie. Que M. Triphon garde son
calme et aille voir l'enfant dans son berceau.
M. Triphon fut consterne. L'enfant! C'est vrai, il y avait un enfant. Il
l'avait totalement oublie! Les paroles de la mere Neirynck tomberent sur
lui comme une douche froide. Il se leva et s'approcha en hesitant,
presque avec angoisse, du berceau, dont Lisatje bien doucement ecartait
les rideaux.
M. Triphon vit quelque chose: une figure grosse comme le poing, d'un
rouge violace sous un minuscule bonnet blanc, et qui faisait d'affreuses
grimaces. La bouche, contractee de spasmes, laissait suinter des bulles
baveuses, les yeux etaient fermes avec effort, comme s'ils ne devaient
jamais s'ouvrir et deux menottes, pas plus grosses que des noix,
semblaient se cramponner a quelque objet precieux et invisible, qu'elles
s'obstinaient a ne pas lacher.
--Petit Triphon ... Petit Triphon ..., repetait Lisatje d'une voix emue
en caressant doucement les petites joues.
Puis se retournant vers M. Triphon, les yeux brillants:
--N'est-ce pas que c'est un beau bebe, monsieur Triphon? Le joli petit
mignon! Il vous ressemble comme deux gouttes d'eau.
M. Triphon regardait, immobile, comme fige. Il trouvait l'enfant si
hideux qu'il lui etait impossible d'articuler un son. Est-ce que
vraiment cela lui ressemblait, cette horreur, ce monstre? Il ne pouvait
le croire, s'y refusait. Cette idee le revoltait. Il en etait degoute et
il en avait peur. Il jetait des regards anxieux autour de lui, comme
s'il avait eu envie de prendre la fuite. Mais les femmes ne remarquaient
rien de son effarement; la mere etait aussi attendrie que sa fille; et
Lisatje prit l'enfant dans son berceau et le presenta a M. Triphon, pour
qu'il le tint un instant dans ses bras. Il n'osa refuser. Ses mains
tremblaient en le tenant et, sans le reg
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