arder, a bout de bras, il alla
le porter a Sidonie, qui le coucha sur son coeur, comme un tresor
inestimable, et lui dit des choses que seule une mere sait dire.
M. Triphon pensa soudain au temps qui pressait. D'un geste nerveux, il
tira sa montre et constata avec effroi qu'il etait pres de neuf heures.
Il lui fallait partir au plus vite; on le chercherait a la maison; on ne
comprendrait pas ce qu'il etait devenu. Une ombre de tristesse passa sur
le visage de Sidonie.
--Deja ..., gemit-elle.
--Il faut, il faut! repondit-il avec abattement.
--Est-ce que vous reviendrez bientot?
--Aussitot que j'en aurai l'occasion.
Il se pencha sur elle et l'embrassa tendrement.
--Et votre enfant, vous ne lui donnez pas aussi un baiser ..., dit-elle.
Misericorde! Cet enfant! Il l'avait encore oublie! Elle le tendit vers
lui a bout de bras; et lui reapparut, cette fois tout pres, l'horrible
petite figure grimacante, avec cette peau qui semblait cuite, ratatinee,
ecorchee, ces yeux spasmodiquement fermes, cette bouche baveuse qui
soufflait des bulles. Comment etait-il possible de dire que cela
ressemblait a un etre humain et a lui, surtout! Ces femmes etaient
folles, avec leurs ressemblances! Il tendit ses levres fremissantes vers
l'enfant et lui donna un baiser, les yeux clos, pour ne pas voir.
--On dirait que vous en avez peur, ricana la mere Neirynck.
Il eut une surprise. La peau tendre de l'enfant, sous ses levres, etait
d'une douceur si duvetee, si veloutee qu'il ne put maitriser une emotion
soudaine et profonde. Il aurait voulu l'embrasser encore et encore, mais
une fausse honte le retint. Il en avait les larmes aux yeux. Il pressa
longuement la main de Sidonie; il reviendrait au plus vite, c'etait
promis, et elle, de son cote, lui promettait de ne commettre aucune
imprudence. Puis il s'arracha a son etreinte.
Dans la cuisine l'attendait une autre surprise. Ivo, le petit teilleur,
etait la, tout saupoudre de poussiere de lin et souriant dans sa barbe
blonde, comme s'il eprouvait une grande joie interieure. A sa vue, M.
Triphon prit peur; mais toute la famille s'empressa de le rassurer. Ivo
ne dirait rien, M. Triphon pouvait y compter. Le petit bonhomme
s'approcha de lui, la main tendue et, a son tour, avec un large sourire
de bonheur, il lui dit: "Que je vous felicite!"
M. Triphon n'en revenait pas. Qu'avaient-ils donc tous a le feliciter
comme pour une action d'eclat? Il ne savait plus que repondre et restai
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