uce et si triste, avec ses beaux cheveux noirs epars autour
d'elle sur la blancheur de l'oreiller. N'eut-on pas dit une morte ...
une belle et bonne et tendre morte ... morte pour lui et par sa faute!
Oh! le desespoir et le remords martyrisaient son coeur si vivement! Il
etait un assassin, un miserable! Lui seul l'avait tuee!... Et pourtant
non, elle n'etait point morte: elle souriait avec tendresse et tendait
vers lui, avec une sorte de ferveur enthousiasmee, un tout petit etre
qu'elle lui disait de caresser et d'embrasser. Et cet attouchement, qui
lui inspirait d'abord une invincible repugnance, etait de nouveau d'une
telle douceur veloutee, que dans son reve il murmurait des paroles
d'amour et qu'il etendait passionnement les bras, pour toucher et sentir
encore. Cela dura ainsi quelques secondes de pure felicite. Puis,
brusquement, il se voyait en presence de ses parents. Son pere etait
pourpre de colere et l'insultait et le menacait. Sa mere pleurait....
D'un geste comminatoire et sans pardon, M. de Beule lui montrait la
porte; et, du coup, il se trouvait quelque part en plein champ, dans le
noir, a peine vetu et la faim au ventre, sans un sou dans sa poche. Et,
comme il ne savait que faire ni ou aller, il entendait soudain un rire
meprisant et moqueur; il se trouvait dans la "fosse aux huiliers", au
milieu du vacarme rebondissant des pilons. Tous les ouvriers etaient a
leur place habituelle. Berzeel avait un oeil poche, dans un visage
tumefie; Pierken lisait avec une concentration farouche sa petite
feuille socialiste; la joue d'Ollewaert se bossuait d'une enorme chique;
Feelken jetait son "Fikandouss"; Leo poussait son terrible "Oooo ...
uuuu ... iiii....; Bruun epiait par une porte entr'ouverte; Free
s'approchait de Miel avec un sourire narquois et lui lancait en pleine
figure un "espece de veau!" auquel Miel repondait d'un air idiot que
c'etait lui Free, le veau.
De nouveau la scene changeait comme par enchantement, et a toute vitesse
il courait vers la chaumiere du pere Neirynck et y entrait en coup de
vent. Toute la famille etait rassemblee autour de lui, attendant avec
angoisse ses paroles; et il leur criait ce qu'il avait a leur dire, avec
durete et colere; cela ne pouvait durer ainsi, tout etait fini, jamais
plus il ne remettrait les pieds chez eux. Ils palissaient, leurs yeux
s'ecarquillaient d'horreur; Sidonie serrait en pleurant son enfant
contre son coeur; Lisatje et Marie se lamentaient; la mere ouvrai
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