aroque qu'il devait y
avoir chez lui quelque chose de ridicule, il ne savait quoi. Il entra.
Marie etait assise devant son coussin de dentelliere et le pere Neirynck
et Maurice fumaient calmement leur pipe, assis de chaque cote de l'atre
eteint. M. Triphon s'attendait de leur part a un accueil plutot frais.
Des paroles dures de leur part lui eussent paru logiques et naturelles.
Mais rien de pareil n'arriva. Au contraire. Le joli et frais visage de
Marie rayonnait de bonheur et ses yeux caressants souriaient; le pere
Neirynck et son fils toucherent tres poliment le bord de leur casquette
et dirent a leur tour, l'un apres l'autre:
--Bonsoir, monsieur Triphon. Que je vous felicite!
M. Triphon n'en revenait pas. Est-ce qu'il revait? Il ne savait plus
comment se tenir, de quel cote se tourner. Cela frisait
l'invraisemblable. On eut dit qu'il avait accompli quelque acte
glorieux. Un instant il se demanda si decidement on se moquait de lui.
Mais non. D'un air soumis ils l'inviterent a s'asseoir, pendant que
Lisatje allait voir s'il pouvait entrer dans la chambre de Sidonie. La
mere Neirynck parut sur le seuil de la chambrette.
--Bonsoir, monsieur Triphon. Que je vous felicite! dit-elle, tout comme
les autres.
Et, avec un geste discret:
--Voulez-vous venir voir?
M. Triphon se leva. Ses jambes tremblaient et un voile flottait devant
ses yeux. A present, sur le point de la revoir, il eut presque mieux
aime etre loin. Il redoutait l'inconnu derriere cette porte entr'ouverte
et craignait de ne pouvoir maitriser son emotion. Machinalement, d'un
pas de somnambule, il se dirigea vers la chambre. Il lui fallut baisser
la tete sous la voute basse pour franchir le seuil. La mere ferma
doucement la porte derriere lui. Kaboul, qui voulait aussi entrer, recut
la porte sur le nez et poussa un glapissement.
Une petite lampe a petrole, posee sur une armoire, eclairait faiblement
la chambrette basse aux murs grisatres et au plafond sombre. Comme dans
un reve M. Triphon vit deux couchettes, avec un berceau entre elles.
Dans l'une, Sidonie etait allongee sur le dos, tres pale, ses beaux
cheveux sombres epars sur l'oreiller blanc. A cote du berceau se tenait
Lisatje, penchee et souriante, avec des yeux humides d'attendrissement.
M. Triphon ne voyait que Sidonie. Il la regardait, avec toute la tension
de son esprit, comme s'il se trouvait en presence d'un prodige
inconcevable. Remue jusqu'au plus profond de son etre, il etait en pr
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