ntait des murs; et
Sefietje qui, tel un barometre, annoncait toujours avec exactitude les
variations d'humeur de la famille, allait et venait en silence avec des
soupirs. Quant a la deuxieme servante, Eleken, on ne la voyait presque
plus. Des que son ouvrage etait fini, elle allait se cacher on ne savait
ou; c'est a peine si on entrevoyait parfois un bout de sa jupe, en fuite
derriere un mur ou une porte. Quelque chose de tres angoissant couvait
partout; et, sans rien savoir de precis, M. Triphon ne doutait pas que
l'orage ne fut pres d'eclater sur sa tete.
XVI
Il eclata, et, bien qu'attendu, plus brusquement et avec plus de
violence que M. Triphon n'eut pense. Il eclata un dimanche soir, au
moment ou M. Triphon sortait pour aller voir Sidonie.
Accompagne de Kaboul, il avait deja la main sur le bouton de la porte,
quant tout a coup M. de Beule, surgissant de son bureau, lui demanda
d'un ton bref:
--Ou allez-vous?
M. Triphon perdit la tete. Depuis des mois son pere ne lui adressait
plus la parole, ne s'occupait pas de lui, repondait a peine, par un
grognement hargneux, a son salut matin et soir. M. Triphon fut tellement
interloque par ce changement soudain qu'il resta quelques instants
immobile, la main sur le bouton de la porte, sans trouver de reponse.
--Eh bien? Vous n'avez pas compris? Je vous demande ou vous allez?
repeta M. de Beule d'un ton acerbe.
--Faire un petit tour, dit a la fin M. Triphon en regardant son pere
d'un air mal assure.
--Un tour chez les garces! tonna M. de Beule avec fureur.
Et, d'une voix menacante, autoritaire:
--Vous resterez ici, nom de nom! Ou bien vous ne remettrez plus les
pieds a la maison!
--Comme vous voudrez, repondit M. Triphon sans se facher ni demander
aucune explication.
Et, lentement, il rebroussa chemin.
Mais la colere de M. de Beule ne s'apaisait pas devant pareille
humilite; il bouillonnait interieurement; tout son etre fremissait. Sa
femme, qui de loin l'avait entendu "partir" en face de son fils,
accourut en larmes, avec des gemissements. M. Triphon comprit nettement
qu'ils savaient tout et qu'une scene violente devait avoir eu lieu deja
entre les deux epoux. M. de Beule, se retournant contre sa femme, a
nouveau l'abreuva de violents reproches, comme si elle seule etait la
cause de tout. C'etait elle qui l'avait ainsi eleve; elle qui toujours
s'etait montree faible, beaucoup trop faible pour ce fils aux mauvais
penchants; elle qui en av
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