rte, il y eut tout a coup un bruit de sabots qu'on
secoue. Trouble dans sa beatitude, M. Triphon leva des yeux inquiets.
--Oh! ce n'est rien, dit la mere d'un ton rassurant. C'est le pere et
Maurice qui reviennent.
M. Triphon devint tout pale. Le pere et le frere! Il n'y avait plus du
tout pense. Il se sentit envahir comme d'une coulee froide. Qu'allait-il
se passer? Le pere outrage ne lui montrerait-il pas la porte en un geste
d'indignation? Est-ce que le fils ne le prendrait pas a la gorge pour le
flanquer dehors? Machinalement, comme pour se mettre en etat de defense,
il s'etait leve.
--N'ayez pas peur; restez assis, monsieur Triphon, lui dit la mere avec
conviction.
Et, a leur tour, les filles hocherent la tete en signe de tranquillite.
La porte s'ouvrit et les deux hommes entrerent. Un moment ebahi, le pere
regarda fixement le visiteur inattendu. Durant une seconde, il y eut
comme un eclair de colere et de menace dans ses yeux. Mais il ne dit
rien, regarda sa femme d'un oeil rond, puis M. Triphon, toucha le bord
de sa casquette, murmura "bonsoir", d'une voix a peine perceptible, et,
le pas pesant, s'avanca vers l'atre. Le fils aussi, un long garcon
degingande, s'arreta un moment, interdit, toucha le bord de sa
casquette, murmura "bonsoir", et se dirigea, les bras ballants, vers
l'atre.
--Pere Neyrinck ..., commenca M. Triphon d'une voix etranglee. Mais il
ne put continuer; il s'arreta, suffoque, les traits contractes et d'une
paleur livide. "Pere Neyrinck ...", reprit-il au bout d'un instant,
raidi et presque tragique, "pere Neyrinck, je suis ici ... et vous
pouvez me mettre a la porte, si vous voulez ... mais je suis ici ... je
suis ici ... parce que je veux revoir Sidonie ... parce que je ne veux
pas la laisser seule ... dans le malheur."
Il s'arreta encore et dut reprendre haleine. Un sanglot s'etouffa dans
sa gorge. Il n'en pouvait plus. Sidonie avait baisse la tete et
pleurait; et les deux jeunes soeurs, rouges et immobiles d'emotion,
regardaient tour a tour M. Triphon et leur pere. Le pere avait l'air
plutot gene que mechant. Le fils considerait fixement le feu, comme si
la chose ne le concernait pas. La mere, un peu nerveuse, se baissa vers
son mari et lui dit a mi-voix, d'un ton confidentiel:
--Il a ete bon pour nous. Il m'a donne beaucoup d'argent.
Le pere hocha la tete; il ne dit rien. Il etait la comme un etranger
dans sa propre maison. Visiblement, il ne se rendait pas un compte exact
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