choses ne se precisaient pas en lui. Venait-il
la consoler et la reconforter d'une promesse solennelle de l'epouser?
Il s'effraya a cette idee, qui le glacait. Mais, quoi alors? Pourquoi
restait-il la a ne rien dire? Que devaient-ils penser?
Qu'attendaient-ils de lui? Il lui fallait s'expliquer--dire, faire
quelque chose!
Dans sa detresse, il ouvrit son veston et sortit son portefeuille. Il
avait de l'argent sur lui et deplia d'une main tremblante trois billets.
Timidement, il fit signe a la mere et lui remit l'argent. "Voila,
dit-il, c'est pour vous... c'est pour vous autres, pour vous aider".
Il baissa la tete, s'attendant a de durs reproches.
A la vue d'une telle somme la mere eut presque peur et le regarda bouche
bee, avec de grands yeux. Elle en oublia de le remercier et ne sut rien
dire. Les petites soeurs, les joues en feu, se remirent nerveusement a
remuer leurs bobines. Les traits de Sidonie se contracterent en une
douloureuse amertume et soudain ses larmes coulerent. Son emotion fut
aussitot contagieuse. La mere a son tour se prit a pleurer; de meme les
jeunes soeurs, qui se leverent et quitterent la piece. M. Triphon
lui-meme etait si profondement bouleverse qu'il enlaca Sidonie en
gemissant et la tint longuement embrassee. Inquiete par la scene, Kaboul
se mit a aboyer.
Cette voix les ramena au sens de la realite. M Triphon lanca un coup de
botte a Kaboul, et Sidonie, sechant ses larmes, appela le petit chien
aupres d'elle pour le caresser. Il la reconnut bien des qu'il entendit
sa voix, lui lecha la main et remua la queue.
--C'est une bonne petite bete fidele, monsieur Triphon, dit la mere en
passant son tablier sur ses joues.
--Oui, mais il fait trop de bruit, repondit M. Triphon.
Ce banal colloque suffit a degager l'atmosphere, alourdie de peine et de
contrainte. Le tragique de la situation cedait a une appreciation plus
saine et plus moderee. A quoi bon se desoler en pure perte! Les choses
etaient ce qu'elles etaient et les larmes n'y changeraient rien. La mere
ne fit entendre nul reproche et les beaux sentiments genereux dont M.
Triphon etait tout gonfle refluerent vers les profondeurs de son ame
impressionnable. Comme d'un accord mutuel et tacite, ils ne parlerent
plus du passe; et M. Triphon se sentit un moment a l'aise, tel un simple
ami venu faire une cordiale visite de politesse. Les soeurs rentrerent
et furent s'asseoir devant leur ouvrage que toutes les trois reprirent,
comme si rien
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