de la
lampe a huile, comme un petit chien de boite a jouets. Et, de meme que
la premiere fois, M. Triphon eut une hesitation avant d'aller plus loin.
La tout semblait si digne, si tranquille, si probe. Personne n'y
paraissait songer a mal; tout y parlait de bon travail et de devoir; lui
seul venait s'y glisser comme un rodeur, un malfaiteur. Une sorte d'envie
le mordit au coeur. Il jalousait cette pauvrete, cet humble bonheur dans
le devoir accompli, ce dur labeur du bon petit teilleur de lin, qui
trouvait encore assez de charme dans son existence pour fredonner une
chanson. Que fallait-il de plus au monde que le contentement! Ce petit
bonhomme-la n'etait-il pas mille fois plus heureux que lui qui,
materiellement, vivait dans l'abondance et ne travaillait que lorsqu'il
en avait envie? Sa vie a lui ne serait-elle pas bien plus heureuse s'il
reparait le mal qu'il avait fait a la pauvre Sidonie, s'il l'epousait et
allait vivre avec elle humblement? M. Triphon etait dans des dispositions
sentimentales, tous ces temps-la; le remords, quelquefois, lui montait par
bouffees a la gorge. Ses yeux se remplirent de larmes d'attendrissement et
il n'hesita plus. D'un pas ferme, il passa devant la petite grange, vit,
entr'ouverte, la grille du verger de Sidonie, la poussa, suivit la sente
vers la maison et s'arreta devant la porte. Dans l'obscurite il avanca la
main pour lever le loquet. Il ne le trouva pas tout de suite. Ses doigts
tatonnaient sur le, bois rugueux; et il se sentait la comme un voleur, qui
va s'introduire par effraction. A l'interieur, derriere la porte fermee,
il entendait le clapotement monotone des bobines retombant sur le carton
glace des coussins de dentelliere. Il percevait aussi un bruit de sabots
qui marchaient avec lenteur sur les dalles et la resonance d'un tisonnier
avec lequel on attisait le feu. N'arriverait-il donc pas a empoigner ce
sacre loquet! Soudain il eut un sursaut. Quelque chose de blanchatre lui
passait entre les jambes en soufflant, suivi d'une ombre noire, qui
jappait. "Kaboul!... nom de Dieu!" cria-t-il, d'une voix sourde. C'etait
Kaboul donnant la chasse au chat de la maison. Il y eut une vive escalade
apres un tronc de pommier, contre lequel le chien s'arc-bouta de ses pattes
de devant. Cependant, a l'interieur de la maisonnette, c'etait tout a coup
le silence complet. Le tisonnier ne tisonnait plus, les bobines cesserent
de clapoter sur le carton glace, les sabots etaient muets. Alors une v
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