'echo d'un passant solitaire dans le lointain, entre les maisons
sombres. Il ne vit qu'une vieille femme, encapuchonnee de noir, comme
une ombre, qui rentrait chez elle, dans un bruit caverneux de sabots. A
la fabrique les pilons retombaient en cadence. Six heures sonnaient.
Il se glissa sous la remise et attendit que Sefietje eut passe avec sa
bouteille. Si par hasard quelqu'un a la maison demandait apres lui,
Sefietje pourrait dire qu'elle l'avait vu a la fabrique. Kaboul
l'accompagnait, comme toujours, mais il n'avait nulle envie de l'emmener.
Aussitot qu'il eut vu Sefietje disparaitre avec sa bouteille dans la
trepidante "fosse aux huiliers", il se tourna vers le petit chien, agita
un doigt menacant et a mi-voix:
--Non ... Non!
Kaboul, tout pret a accompagner son maitre, le regarda fixement, de ses
yeux bruns intelligents. Il ne bougeait pas. Il comprenait. Il demandait.
Il attendait. "Non ... non...", repeta M. Triphon a voix basse, comme en
reponse a une question posee, pendant qu'il reculait pas a pas, intimant
l'ordre d'un geste categorique. Kaboul, les oreilles dressees, demeurait
immobile. On eut dit un petit chien de granit noir. M. Triphon continuait
de marcher a reculons, jusqu'a ce qu'il fut hors de la remise. Mais le
petit chien, tout seul dans le grand espace vide sous la lueur d'une
lanterne pendue a une poutre, de loin attirait tellement le regard que
son maitre eut peur et, d'un leger sifflement, le rappela pres de lui.
Fou de joie, Kaboul bondit, les oreilles couchees et la queue tournoyante.
"Non ... non ...", reprit aussitot M. Triphon. Et il repeta son geste
severe. Kaboul, interdit, se petrifia. M. Triphon partit a vive allure.
En face du chemin d'acces a la fabrique, de l'autre cote de la grand'rue,
s'ouvrait une ruelle noire, entre deux pans de murs sombres. Quelques
maisons ouvrieres et tout de suite il fut dans les champs.
Il marchait aussi vite que ses jambes pouvaient le porter, il avait des
ailes. L'air piquant du soir lui gonflait les poumons et sa fraicheur
le reconfortait. Il se sentait vigoureux et brave. Il ne comprenait pas
comment il avait pu hesiter si longtemps. La route, pleine d'ornieres,
montait en pente douce a travers les champs nus. Il avait peine a eviter
les flaques de boue et dut ralentir le pas. Soudain, il eut un sursaut
et s'arreta net, le coeur martele de grands coups. Quelque chose avait
remue derriere lui, comme si on le suivait. M. Triphon etait jeune et
f
|