cette brume glaciale, le long de ces
noirs chemins boueux, ou les cimes depouillees des arbres laissaient
tomber leurs gouttes tristes comme des pleurs!
Alors, il se remettait a penser a la pauvre jolie fille abandonnee et a
tout ce qui s'etait passe entre eux. Ces jours si heureux d'autrefois,
ces moments de passion ardente, qui avaient fait leur malheur a tous
deux, comme tout cela semblait lointain, evanoui.... Son coeur en etait
tout oppresse et des larmes lui mouillaient les yeux. Ou etait-elle a
cette heure? Que faisait-elle? Depuis qu'elle avait ete ignominieusement
chassee de la fabrique, il ne l'avait pas revue. Il avait promis a ses
parents qu'il ne la reverrait point. Mais il ne pouvait s'empecher de
penser toujours a elle. Une pitie torturante et un grand desir de la
revoir l'obsedaient. L'ardeur sensuelle de jadis devenait en lui amour
profond et veritable.
Ou etait-elle? Que faisait-elle? A mesure que les longues journees
desesperantes trainaient leur monotonie par les tristesses de l'hiver,
cette incertitude et ce grand desir de savoir tournaient a l'obsession.
Il savait bien ou elle habitait: la-bas, cette petite maison dans les
champs, au sortir du village, non loin du vieux moulin de bois. Son pere
etait jardinier, et l'ete il y avait toujours de si jolies fleurs sous
leurs petites fenetres: de magnifiques roses mousseuses, des lis blancs,
des pieds-d'alouette d'un bleu intense. A present tout cela etait mort,
autant que sa joie a lui. A present elle etait peut-etre assise pres
d'une petite lampe, tristement penchee sur son coussin de dentelliere,
la pecheresse et l'ennemie dans la maison de ses parents, comme lui
etait l'ennemi et le coupable dans la sienne.
Il songeait, songeait.... Ses pensees l'entrainaient vers elle; en
imagination il se levait et se dirigeait vers la petite maison. Pourquoi
pas? Serait-ce donc un crime s'il allait un jour errer par la, s'il
allait voir, ne fut-ce que de loin, la petite maison?... Pourquoi
pas?... Oh! la tentation se faisait parfois si forte! Il y avait en lui
une force, qui le poussait et l'attirait irresistiblement; quelque chose
qui lui faisait souffrir le martyre! Un soir, enfin, n'y tenant plus de
nostalgie et de douleur, il s'en alla....
C'etait un soir brumeux et froid de fin novembre. La rue etait deserte;
les rares lanternes se nimbaient d'un brouillard laiteux, autour d'une
mechante petite flamme, qui n'eclairait presque rien. Il n'entendit que
l
|