me de Beule se hata d'en profiter pour dire quelques paroles
conciliantes.
--Non, non, Mietje, vous etes toutes de tres braves filles; nous le
savons bien. Tatata ... Il ne faut pas pleurer ... Vous allez voir ... ca
va s'arranger.
--Ils ont affole notre Free, avec toutes leurs histoires; on ne peut
plus vivre avec lui! s'ecria brusquement la soeur de Fikandouss, dans
une crise de larmes.
Prise de syncope, elle s'affaissa sur une chaise; inquiete, Mme de Beule
appela a l'aide Sefietje et Eleken. On donna un verre d'eau a la
malheureuse qui reprit ses sens. M. de Beule etait assez emu. Sitot sa
fureur tombee, il devenait facilement un coeur sensible et meme
pitoyable. Il etait la comme un gros homme sanguin, trop bien nourri, au
milieu de toutes ces malheureuses que sa seule presence terrorisait; un
vague sentiment de honte s'emparait de lui.
--Eh bien, dit-il enfin, avec effort, pour cette fois-ci, je veux bien
pardonner. Mais, si jamais on ose recommencer, alors c'est bien fini,
aussi vrai que vous me voyez en ce moment, je ferme boutique et vous
serez tous a la rue.
Il crut de son devoir de se facher encore; le coup de poing qu'il assena
sur la table fit sursauter les femmes avec un cri d'effroi, et, en
matiere de conclusion, il proclama:
--Ce n'est vraiment pas a moi a me gener pour mes ouvriers! Si ca ne
leur plait plus, ils n'ont qu'a s'en aller! Ce n'est pas moi qui me
serrerai le ventre!
--Vous avez bien raison, monsieur; vous avez bien raison! repetait d'un
ton triste et sourd le choeur des femmes.
Et elles s'en allerent comme un troupeau apeure, apres avoir humblement
remercie M. et Mme de Beule pour leur grande misericorde et leur
genereuse bonte.
Le lendemain, la machine a vapeur se remettait a tourner et les six
pilons rebondissaient avec leur vacarme assourdissant, comme si rien ne
s'etait passe.
V
L'hiver fut marque par deux evenements d'importance a la fabrique. Le
premier regardait Poeteken "l'huilier", le deuxieme, M. Triphon.
Ce chetif, ce silencieux Poeteken, qui avait la reputation de courtiser
"La Blanche", mais vraiment semblait par trop timide et insignifiant
pour etre pris au serieux, s'il s'agissait des femmes et de l'amour; ce
Poeteken nul, infime, inapte et incapable, avait tout de meme, en fin de
compte, fait oeuvre d'homme. Un soir, lorsque Sefietje vint faire sa
ronde habituelle avec la bouteille, elle trouva la "fosse aux femmes" en
proie a la consterna
|