veau!" suivit son pere, sans comprendre au juste ce qui se
passait; et Poeteken, Free, Ollewaert l'accompagnerent. Du cote des
femmes, ce fut la fuite d'une troupe d'oies effarees, Mietje, toute
jaune d'angoisse, et la vieille Natse pleurant a en perdre haleine.
Seuls, les charretiers pouvaient rester. A cause des chevaux, M. de
Beule n'osait les renvoyer. Jusque dans l'explosion de sa rage, il ne
perdait pas de vue tout a fait ses interets vitaux.
Toute la journee, la fabrique resta silencieuse et close, comme une
maison morte. M. de Beule allait et venait, pareil a un Jupiter tonnant,
et M. Triphon se tenait prudemment a distance, accompagne de Kaboul, qui
furetait apres les taupes dans le jardin. Lorsque Sefietje vint vers six
heures porter la goutte du soir a Pol et au "Poulet Froid", ceux-ci
remarquerent qu'elle devait avoir beaucoup pleure. Ses yeux, naturellement
petits, etaient presque entierement fermes. Mais Sefietje, dressee pendant
de longues annees a la crainte servile et au respect de M. de Beule, ne
mettait jamais les torts du cote de son maitre, pas meme cette fois-ci.
A la facon dont elle sut tourner les choses, c'etait tout de meme la faute
des ouvriers. Il y avait eu des scenes terribles a la maison, dit-elle, et
M. de Beule parlait de vendre sa fabrique.
A sept heures, comme la nuit tombait, une deputation d'ouvrieres se
presenta a la maison de M. de Beule. C'etaient "La Blanche" avec Mietje
Compostello, accompagnees des femmes de Free et d'Ollewaert et de la
soeur ainee de Fikandouss-Fikandouss, en un petit groupe sombre et
pitoyable; toutes pleuraient. Ce fut Mme de Beule qui les recut d'abord
dans un petit parloir. Mietje Compostello, qui etait la plus agee et la
plus serieuse, prit la parole; elle venait supplier au nom de toutes,
y compris les absentes, de pouvoir rentrer a la fabrique.
M. de Beule, qui les avait entendues du fond de son bureau, ouvrit la
porte du petit parloir et parut sur le seuil. Il etait cramoisi et
gonfle de colere. Mietje repeta sa priere d'une voix tremblante.
--Je ne veux plus rien avoir a faire avec cette sale clique! gronda M.
de Beule. Une fois pour toutes, c'est fini! Plus de socialistes a la
fabrique!
--Vous avez bien raison, monsieur. Je vous approuve mille fois! repondit
Mietje de sa voix grave. Mais, nous n'en sommes pas, monsieur, de ce
sale monde, vous le savez pourtant bien!
Legerement interloque, M. de Beule eut un instant de silence hesitant.
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