aux femmes" le produit de sa chasse.
--Ah! mon Dieu, cet affreux rat! s'ecriaient-elles. Ou l'a-t-il pris,
monsieur Triphon?
--Dans le debarras ... il y en a dans ce coin-la! cranait M. Triphon.
Et Kaboul etait choye, admire; vraiment, un tel petit chien valait son
pesant d'or.
A des occupations et aventures de ce genre, M. Triphon passait le temps
jusqu'a onze heures; et c'etait alors le moment ou il pouvait se
permettre quelque divertissement. Regulierement, chaque matin, M. de
Beule allait prendre l'aperitif au _Commerce_, le cafe comme il faut,
ou se rencontraient les notabilites du village; et, a la meme heure,
M. Triphon se dirigeait vers _La Pomme d'Or_, rendez-vous de quelques
jeunes gens. A _La Pomme_, situee au coin de la grand'rue et du canal,
il y avait toujours un peu plus de gaite et d'animation qu'au _Commerce_
avec ses airs graves et compasses. Y venaient le medecin, le notaire,
jeunes tous deux, et la plupart des etrangers qui passaient par le
village s'y arretaient quelques instants. Derriere le comptoir tronait
Fietje, jolie fille a la poitrine opulente, dont ils etaient tous plus
ou moins amoureux. Mais elle restait coquette et sage, et personne
n'avait ses faveurs; ce qui les tenait tous en haleine, pendant qu'ils
jouaient bruyamment au zanzi en buvant du porto ou des petits verres.
Les affaires marchaient donc tout a fait bien. A midi tapant la seance
habituelle se terminait chez Fietje et, la tete congestionnee et les
yeux aqueux, M. Triphon regagnait la maison. Il y trouvait la soupe
servie et, comme M. de Beule faisait d'ordinaire la sieste apres son
repas, M. Triphon se reposait un peu, lui aussi, puis retournait a la
fabrique.
Alors venaient les heures les plus pesantes de la journee. Au bureau il
n'y avait pas a faire pour lui tous les jours, et lorsqu'il ne devait
pas travailler aux ecritures, M. Triphon ne savait comment tuer le temps.
Il se promenait un peu au jardin, qui avait de belles pelouses et de
grands arbres. Un joli petit ruisseau le traversait, clair et peu
profond en ete, aux bords gazonnes et fleuris, gonfle et tumultueux
apres les pluies d'automne et foisonnant alors de magnifiques brochets
et de delicieuses anguilles. M. Triphon etait grand amateur de peche.
Il faisait placer la nasse par les ouvriers; et, quand la peche etait
abondante, on se gavait de poisson pendant plusieurs jours. Lorsqu'on ne
savait plus qu'en faire, on en donnait un peu aux ouvriers, ce dont
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