llard a mine fleurie, et sa grosse femme etaient occupes
derriere le comptoir a rincer des verres et les essuyer avec un torchon
a carreaux blancs et rouges. La vieille horloge flamande, dans son coin
obscur, marquait trois heures moins dix. Le disque du balancier allait
et venait avec son tic-tac regulier derriere la lucarne vitree de la
caisse, et l'on eut dit d'une vieille megere efflanquee exhibant un trou
dans son ventre, avec une obstination presque obscene. La porte du fond
etait egalement ouverte et dans la courette ensoleillee deux gamins
jouaient aux billes.
Soudain, quatre hommes firent leur entree; au dehors, sous les tilleuls,
une dizaine d'autres s'etaient arretes devant les fenetres. Ce n'etaient
pas des gens du village. Ils avaient l'air d'artisans endimanches et
leur paleur denotait des citadins. Le plus age des quatre qui venaient
d'entrer, celui qui semblait etre leur chef a tous, se tourna vers le
patron et dit:
--Patron, nous voici.
--Bien, messieurs, asseyez-vous, repondit calmement le patron en
continuant de nettoyer ses verres.
--Pourrions-nous avoir une table et quelques chaises? demanda
l'etranger.
--Vous pouvez avoir un verre de biere ou une goutte de genievre comme
tout le monde, dit le patron.
--Oui mais, vous nous reconnaissez bien, voyons? Vous savez que nous
venons ici pour parler! se recria le chef, un peu etonne.
--Pas moyen, messieurs, riposta, sur un ton calme, mais ferme, le
mastroquet.
--Pourquoi pas! firent-ils tous les quatre, ebahis.
--Parce que je vous dis qu'il n'y a pas moyen, repeta le patron,
legerement irrite.
--Mais vous nous aviez promis votre salle!
--J'ai change d'idee.
--C'est peut-etre la visite de M. le cure?... ricana le chef d'un air
meprisant.
--Ca ne vous regarde pas, riposta l'homme d'un ton bref.
Il y eut un silence. Les quatre camarades se consulterent a mi-voix. Le
mastroquet et sa femme continuaient a rincer les verres, mais leurs
gestes devenaient saccades et presque coleres. Au dehors, sur la petite
place devant les tilleuls, montait un murmure de voix et, en se tournant
vers les fenetres, les quatre camarades virent qu'un petit attroupement
de curieux s'etait forme.
--Alors, vous refusez? demanda une derniere fois le chef.
--Alors, je refuse! repeta le patron d'un air insolent.
--Tres bien. Le temps est beau; nous ferons le meeting en plein air.
Et, d'un mouvement brusque, ils quitterent l'estaminet.
Cependant,
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