erait pas
drole. Et, en effet, des que M. de Beule, toujours precede de Muche,
parut dans la fabrique, on vit bien que ca clochait. Il avait le visage
cramoisi, boursoufle; pour un rien, un tout petit accroc a l'un des
pilons, il se mit soudain a "partir" comme un sauvage, en hurlant dans
le vacarme qu'il en avait assez, flanquerait tout le monde a la porte
et fermerait la boite, si ca ne changeait pas. C'etait lundi matin;
naturellement Berzeel n'etait pas a son poste. Sitot que M. de Beule
s'en fut apercu, il s'emporta contre Pierken, en criant dans le tonnerre
des pilons qu'il chassait son frere et que Pierken devait incontinent le
lui faire savoir.
--Faut-il que je laisse l'ouvrage pour aller le lui dire? demanda
Pierken froidement.
--Mais non, feignant que vous etes! vocifera M. de Beule hors de lui.
--Comment voulez-vous que je fasse alors, Monsieur? repliqua Pierken
avec une calme logique.
--J'en ai assez! repeta M. de Beule, esquivant une reponse precise.
Et, Muche en tete, il quitta, congestionne de fureur, la "fosse aux
huiliers" pour se diriger vers la "fosse aux femmes", et on l'entendit
bientot, la aussi, "partir" avec fracas.
La journee s'ecoula dans une impression d'accablement morose.
Contrairement a son habitude, M. Triphon ne parut point a la fabrique,
accompagne de Kaboul; pour son fils aussi, vraisemblablement, le patron
etait "parti", en conclurent les ouvriers. Lorsque Sefietje vint, vers
six heures, apporter la traditionnelle goutte du soir, ils remarquerent
qu'elle avait surement du pleurer. Aux hommes elle ne dit rien, pas un
mot; mais aux femmes elle confia que M. de Beule etait fermement resolu
a renvoyer de la fabrique quiconque, homme ou femme, aurait l'audace
d'assister a la reunion socialiste du dimanche suivant.
III
Ce jour-la, vers l'heure fixee, un calme etonnant regnait aux alentours
de _La Belle Promenade_. Le village d'ailleurs n'avait jamais paru plus
tranquille. C'etait une tres belle journee d'automne, avec de l'or dans
les feuillages et des vapeurs bleuatres dans les lointains; l'air
immobile tamisait un soleil dont la bonne chaleur en sourdine vous
mitonnait doucement les mains et les joues. Les choses avaient l'air de
s'assoupir.
Sous ses trois vieux tilleuls jaunissants, la porte de _La Belle
Promenade_ etait large ouverte, comme une invite cordiale a entrer. Il
n'y avait encore personne dans la vaste salle de l'estaminet. Seuls le
patron, fort gai
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