ouvriere,
il eprouvait, comme une soif ardente, le desir de revoir mademoiselle
Josephine avec son aimable salut et son gentil sourire. Il avait
l'impression que sa vue le faisait remonter dans sa propre estime.
Sidonie repondait a ce que l'existence recelait d'inquietant, de
troublant, de coupable. Mademoiselle Josephine, c'etait la douceur du
repos, la securite du bonheur, l'ideal....
Entre six et sept heures le reche et virginal trio revenait de l'eglise
et M. Triphon s'arrangeait toujours de facon a les rencontrer encore une
fois. Il echangeait avec elles un deuxieme salut, et puis c'etait tout;
aucune autre occasion pour lui de les revoir et encore moins de leur
adresser la parole. Entre leurs deux familles, point de relations, pas
plus qu'il n'en existait entre les autres familles notables du village.
Il en avait toujours ete ainsi, semblait-il, et la tradition se gardait
immuable. On eut dit qu'il y avait inconvenance, voire peche, a ce que
jeunes gens et jeunes filles, dans leur condition sociale, eussent entre
eux de plus intimes rapports que l'echange d'un salut ceremonieux et
fugitif dans la rue.
Apres cette deuxieme rencontre avec les trois demoiselles Dufour, le
reste de la journee n'avait plus grand interet pour M. Triphon. De meme
que pour les ouvriers de l'usine, les dernieres heures l'envahissaient
d'une sorte de torpeur morose. Il deambulait par ci par la avec Kaboul,
entrait sans but precis dans les ateliers et en sortait de meme. Il
entendait le chant nasillard et melancolique des femmes dans leur
"fosse" et entrevoyait, a travers les carreaux sales, toutes ces pauvres
silhouettes penchees, ou, seule, Sidonie etait comme une fleur de
fraicheur et de beaute. Souvent, aux approches du soir, il sentait
revivre toute sa passion pour elle. Lui non plus n'etait pas heureux,
seul et isole dans un entourage sans joie; et bien des fois il songeait
au bonheur aupres d'une jolie femme aimee, dans une maison un peu riante
et confortable. Ne serait-il pas heureux avec mademoiselle Josephine ...
et meme avec la seduisante ouvriere? Il sentait sourdre en lui une
tendresse douce et apaisee pour toutes les deux. Cela venait ainsi tout
naturellement, avec l'heure crepusculaire, en un melange de charme
reveur et de tristesse vague. Ce n'etait jamais bien profond et cela ne
faisait point mal. Avec l'une ce n'etait guere possible et, probablement,
avec l'autre non plus. Il soupirait, se resignait, attendait.
C'etai
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