ix.
--Mais oui; depuis longtemps, repondait Sefietje d'un ton de reproche.
Elle poussait le verrou, il lui disait bonne nuit et montait l'escalier
sans faire de bruit.
Dans sa chambre, une petite lampe brulait sur la table de nuit. Il se
deshabillait a la hate, negligemment, et se mettait au lit. Parfois, il
lisait encore quelques pages d'un de ses ineptes petits romans. Les
soirs ou il se sentait trop fatigue, il eteignait la lumiere en se
couchant.
D'habitude il dormait bien, d'un sommeil profond et lourd; mais il lui
arrivait aussi de rester eveille pendant des heures. C'etait souvent par
des nuits d'hiver et de tempete, lorsque la pluie giclait contre les
vitres et que le vent ululait autour de la maison. Les cimes depouillees
des arbres geignaient alors si lamentablement et la vieille sonnette de
la porte, secouee dans sa gaine rouillee, gemissait comme un etre qu'on
torture. Durant ces insomnies il sentait avec plus d'acuite sa grande
solitude et le desenchantement de sa vie. En se retournant sans cesse
dans son lit il songeait a son existence passee, a ses annees de college
et ses camarades de jadis, qui chacun avait suivi une voie differente,
et qu'il avait tous perdus de vue. Et pour lui a quoi tout cela
aboutirait-il? Que lui reservait l'avenir? Persisterait-il durant des
annees dans ses relations secretes, ses relations coupables avec cette
jolie fille, ou s'attacherait-il pour tout de bon a Josephine Dufour?
Lutte quotidienne, tourment quotidien. Il ne savait pas; il n'avait pas
l'energie de prendre une decision irrevocable. Toute sa vie etait a
vau-l'eau, desemparee. Quitter la pauvre Sidonie lui semblait d'une si
froide durete; et il lui paraissait tout aussi navrant de s'attacher a
elle pour jamais et de causer une peine infinie a ses parents, le jour
ou ils sauraient ... Il s'endormait enfin, l'ame pleine de tristesse et
de remords, avec les deux jeunes images devant ses yeux: Sidonie, qu'il
etreignait avec un emoi passionne; et Josephine, qui parlait moins a ses
sens, mais ranimerait en lui un sentiment bien affaibli, celui de sa
dignite et de son amour-propre. Il les aimait toutes deux; et en chacune
d'elles il aimait surtout ce qu'il ne trouvait pas chez l'autre.
VII
Telle, sa vie, au fil prevu et monotone des jours; mais il venait aussi
d'autres moments, d'autres occupations et c'etait alors, pour les
ouvriers comme pour les patrons, une periode de bonnes vacances et
d'animation
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