coeur ralentissaient; il regrettait d'etre la. Mais,
parfois aussi, voici que s'encadrait dans l'ouverture le fin et pur
profil de Sidonie, et alors c'etait en lui comme une soudaine flambee.
Le coeur battant a coups precipites, il la laissait s'approcher du tas
de sacs, puis, brusquement, il bondissait, s'emparait d'elle, la
devorait de baisers fous.
Elle se defendait mollement. Il etait trop violent, trop fougueux. Elle
etait impuissante; elle n'osait pas.
--Oh! prenez garde, M. Triphon! Que faites-vous! On va entendre!
murmurait-elle haletante.
Mais il ne l'ecoutait meme pas; il l'etreignait avec frenesie; il
l'etranglait presque. Enfin il la lachait et l'aidait hativement a
entasser sa provision de sacs. Elle avait les cheveux defaits et les
joues en feu.
--On va le voir, on va le voir, gemissait-elle.
Vivement, elle tapotait ses jupes, s'arrangeait les cheveux, puis se
depechait avec sa charge vers l'escalier.
--Sidonie ... Sidonie!... priait-il d'une voix sourde.
Et il la forcait d'accepter quelques francs.
--Oh! M. Triphon, que pensez-vous! faisait-elle avec un geste de refus.
--Si; je le veux! insistait-il.
Alors elle acceptait en murmurant: "Merci".
--Tu n'es pas fachee, Sidonie?
--Non ... repondait-elle avec quelque effort.
Calmement, elle redescendait l'escalier et M. Triphon s'approchait de
Kaboul, qui, pendant ce temps, avait flaire des rats et furetait a
travers la paille en grattant furieusement.
--Ou sont-elles, les sales betes? Happe-les, Kaboul! excitait-il.
Fremissant d'ardeur, le petit chien piaillait, et son museau noir etait
gris de poussiere; il avait les cils blancs, comme s'il sortait d'un sac
de farine. Il ralait, un moment immobile, pour reprendre haleine; puis,
brusquement, il se refourrait dans le tas, soufflant, crachant, forant
du nez en secousses vives vers la cachette du rat. Soudain, il y avait
une lutte breve; le petit chien disparaissait jusqu'a la queue dans la
paille; on entendait un _miaou_ de detresse et Kaboul, par a-coups
brusques, ressortait du tas, un gros rat en travers de la gueule.
Parfois il lachait un moment la bete, qui essayait de se trainer sur les
planches; mais quelques coups de dents mettaient fin a la lutte. Et
Kaboul, tres fier, s'avancait vers son maitre, le chef ensanglante de sa
proie lui pendant d'un cote de la gueule, de l'autre la longue queue et
l'arriere-train. M. Triphon ne manquait jamais de venir montrer dans la
"fosse
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