ui plaira. Marchons donc avec assurance dans une occasion
ou tout evenement ne peut que nous etre favorable. Si nous en sortons
victorieux, nous acquerons au nom chretien une gloire qui ne finira
qu'avec l'univers; si nous succombons, nous obtenons la couronne
immortelle du martyre. Mais pourquoi douter du succes? N'est-ce pas la
cause de Dieu que nous soutenons? Oui, sans doute, c'est par nous et
pour nous que le Sauveur veut triompher de ces barbares. Commencons par
en rendre gloire a son saint nom, et preparons-nous a celle d'en avoir
ete les instrumens." On ne peut exprimer l'ardeur que ce discours
inspira, et bientot les Sarrasins en ressentirent l'effet.
Le sultan, averti par ses sentinelles qu'on decouvrait sur la mer une
foret de mats et de voiles, envoya quatre galeres bien armees pour
reconnaitre ce que c'etait. Elles parurent au moment meme que Louis
achevait de parler; et, s'etant trop avancees, elles furent tout a coup
investies par quelques batimens qu'on avait detaches contre elles.
Trois, accablees de pierres lancees par les machines que portaient les
vaisseaux francais, furent coulees a fond avec tous les equipages; la
quatrieme eut le bonheur d'echapper, et alla porter la nouvelle que le
roi de France arrivait, suivi de toute son armee. Aussitot le monarque
egyptien donna ses ordres pour se preparer a la defense: _Et dans
peu_, dit Joinville, _il y eut grande compagnie a nous attendre_. Le
spectacle, de part et d'autre, avait quelque chose d'agreable et de
terrible tout ensemble. La cote se trouva, en un instant, bordee de
toute la puissance du soudan. La plage etait couverte de navires dont
les pavillons de differentes couleurs faisaient une agreable peinture
de la puissance des chretiens. La flotte ennemie, composee d'un nombre
infini de vaisseaux, etait rangee dans une des embouchures du Nil par
ou l'on montait vers Damiette. Le sultan en personne, d'autres disent
Facardin, son lieutenant, commandait l'armee de terre. Le rivage et
la mer retentissaient du bruit de leurs cors recourbes et de leurs
nacaires, espece de timbales dont deux faisaient la charge d'un
elephant. C'etait en affrontant ces deux armees ennemies, qu'il fallait
hasarder la descente; c'etait aussi ce qu'on avait resolu de faire; et
il n'etait question que de deliberer si on la tenterait avant l'arrivee
du reste des troupes et de la flotte.
A peine le roi avait-il fait jeter l'ancre, qu'il manda les principaux
chefs de l'armee
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