procurait un tribut immense, parce que
c'etait alors le seul passage pour les marchandises qui devaient etre
distribuees sur toutes les cotes de la Mediterranee. Le corps de la
place etait fortifie d'une enceinte de murailles, doubles le long
du Nil, triples du cote de la terre, avec des fosses tres-larges et
tres-profonds. C'etait dans la conservation de cette ville que le sultan
avait mis toute son esperance, et c'etait a la prise de cette place
que tendaient tous les voeux de Louis, persuade que cette conquete le
rendrait maitre de toute l'Egypte.
On ne fut pas plutot a la vue de l'ennemi, que toute la flotte se
rassembla autour du roi. Les principaux seigneurs monterent sur son
bord, et lui-meme se presenta sur le tillac, avec un air qui inspirait
de la confiance aux plus timides. Sa taille etait avantageuse et bien
proportionnee: _Et vous promets_, dit Joinville, _que oncques si bel
homme arme ne vit; car il paroissoit par-dessus tous, depuis les epaules
en amont_. Et, quoiqu'il fut d'une complexion tres-delicate, son courage
le faisait paraitre capable des plus grands travaux. Il avait les
cheveux blonds, comme ceux de la maison de Hainaut, dont il etait par
sa grand'mere, et reunissait tous les autres agremens qui accompagnent
ordinairement cette couleur. Sa chevelure extremement courte, suivant
la coutume de ce temps-la, n'en laissait que mieux voir les graces
naturelles repandues sur son visage. On y remarquait je ne sais quoi
de si doux, et en meme temps de si majestueux, qu'en le voyant on se
sentait penetre tout a la fois, et de l'amour le plus tendre, et du
respect le plus profond. La simplicite meme de ses habits et de ses
armes, simplicite neanmoins qui admettait toute la proprete sans
affectation, lui donnait un air guerrier encore plus que n'aurait pu
faire la richesse qu'il negligeait.
[Illustration: _St. Louis a la bataille de la Massoure_]
"Mes amis, dit-il aux chefs de son armee, ce n'est pas sans dessein
que Dieu nous a conduits a la vue de nos ennemis, lorsque nous nous
en croyions encore fort eloignes. C'est sa puissance qu'il faut ici
envisager, et non pas cette multitude de barbares qui defendent le
royaume ou nous portons la guerre. Ne me regardez point comme un prince
en qui reside le salut de l'etat et de l'Eglise; vous etes vous-memes
l'etat et l'Eglise, et vous n'avez en moi qu'un homme dont la vie, comme
celle de tout autre, n'est qu'un souffle que l'Eternel peut dissiper
quand il l
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