pour tenir conseil de guerre. La plupart furent d'avis
de differer la descente, et d'attendre que le reste des vaisseaux
ecartes par la tempete fut rassemble, le roi n'ayant pas avec lui le
tiers de ses troupes. Mais ce prince, guide par son zele, ne fut pas
de ce sentiment: il representa avec vivacite que le retardement ferait
croire aux ennemis qu'on les craignait; qu'il n'y avait point de surete
de demeurer a l'ancre sur une cote fort sujette aux tempetes; qu'on
n'avait aucun port pour se mettre a couvert de l'orage et des
entreprises des Sarrasins; qu'une seconde tourmente pourrait disperser
le reste des vaisseaux, aussi bien que ceux que l'on voulait attendre;
que ce retard enfin pourrait ralentir cette premiere chaleur, qui pour
l'ordinaire fait reussir les entreprises, et repandrait dans toute
l'armee une impression de crainte dont on aurait peut-etre de la peine
a revenir. Tout le monde se rendit a des raisons si plausibles, et la
descente fut resolue pour le lendemain a la pointe du jour.
On fit une garde exacte toute la nuit, et, des le lever de l'aurore, on
fit descendre les troupes dans les chaloupes et dans les bateaux plats
que le roi avait fait construire en Chypre. Jean Dybelin, comte de
Jaffe, eut son poste a la gauche, en tirant sur le bras du Nil, sur
lequel etait la ville de Damiette. Le roi, pour donner l'exemple,
descendit le premier dans sa barque, et choisit la droite, accompagne
des princes ses freres et du cardinal-legat, qui portait lui-meme une
croix fort haute pour animer les soldats par cette vue. Le comte Erard
de Brienne, le sire de Joinville, et le seigneur Baudouin de Reims,
furent places au centre. On avait aussi dispose sur les ailes des
barques chargees d'arbaletriers, pour ecarter les ennemis qui bordaient
la rive. Ensuite venait le reste des gens de guerre, qui faisait comme
le corps de reserve.
Une multitude prodigieuse de Sarrasins, tant infanterie que cavalerie,
etait rangee en bataille le long des bords de la mer. Le soudan n'y
etait pas, parce que sa maladie ayant beaucoup augmente, il s'etait fait
transporter en une maison de plaisance distante d'une lieue de Damiette.
Le signal ayant ete donne, les vaisseaux charges de troupes s'avancerent
au-devant des ennemis, qui, d'abord qu'on fut a portee, tirerent un
nombre prodigieux de fleches, a quoi l'on repondit de meme pour tacher
de les ecarter. Les bateaux du milieu, ou etait le sire de Joinville,
voguerent plus diligemmen
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