t, et radicalement odieuse. Il
l'a combattue en tous ses livres, et particulierement, en ses livres
d'histoire, avec la derniere energie.
Et remarquez ce detail. Tout le monde a observe le gout qu'il a pour
montrer les grands evenements comme des effets de petites causes. Ce
gout n'est pas autre chose qu'une forme de ce penchant plus general a
ecarter le surnaturel de l'histoire. Vous qui aimez a voir dans la serie
des faits historiques l'effet et le developpement de grandes causes tres
generales, ne voyez-vous point que vous mettez, sans y prendre garde
peut-etre, des desseins, des plans, ce qui revient a dire des idees,
quelque chose d'intellectuel enfin, dans la marche de l'humanite? Vous
y voyez des _lois_. Mais une loi est une idee, et une idee suppose un
esprit. Un esprit pensant l'histoire, avant qu'elle commence, pour lui
donner sa loi de direction, c'est un Dieu. Vous etes, sans y songer, au
meme point de vue, ou de quoi s'en faut-il? que Bossuet ecrivant son
_Histoire universelle_.--Direz-vous que cette loi que vous voyez dans
l'histoire suppose un esprit en effet, mais ne suppose que le votre; que
c'est vous qui la faites apres coup? Alors elle n'est qu'un expedient,
elle n'a pas de realite objective, elle n'est pas en effet _dans_
l'histoire, et vous n'y croyez pas. Mieux vaudrait ne pas l'enoncer,
puisqu'elle n'est qu'un mensonge d'art. Ou vous croyez a des lois
reelles, c'est-a-dire a intention, plan, direction, but que vous
n'inventez pas, que vous retrouvez et demelez a travers les faits; et
alors vous etes encore, bon gre mal gre, dans un reste de conception
theologique;--ou vous devez ne voir dans l'histoire qu'une melee confuse
de chocs et de contre-chocs sans but, sans plans, sans lois, sans
signification, et comme un tourbillon d'atomes dans le hasard.
Le meilleur moyen, en matiere d'histoire, de combattre et d'extirper le
surnaturel, c'est donc de montrer qu'elle est absurde, qu'elle ne porte
la marque d'aucune intelligence, que les revolutions des empires y
dependent d'un verre d'eau qui tombe, d'un nez trop court, d'un grain
de sable,--et c'est ce que Voltaire a aime a faire. Il se rencontre ici
avec Pascal, parce que l'atheisme se rencontre toujours avec Pascal, la
ou Pascal n'en est qu'a la premiere partie de son argumentation.
Voltaire est donc radicalement hostile a toute idee de providence dans
l'histoire. Est-il donc pur positiviste, pur fataliste? Il devrait
l'etre. S'il n'y a pas de
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