z un animal qui, s'il ne vivait pas en
societe, ne vivrait plus. Dire: les hommes n'ont jamais cru qu'ils
dussent se detruire les uns les autres, ce n'est donc pas dire autre
chose que: les hommes ont toujours vecu en societe; ce qui ne signifie
pas autre chose que: l'homme existe.--Ce n'est pas en tant que resistant
a la mort sociale que la morale est une morale, c'est a partir du moment
ou, le trepas social conjure, elle va plus loin. Ce n'est pas quand elle
dit: ne tue point! qu'elle est une morale; car _ne tue point_ indique
seulement que l'homme a envie de vivre; c'est quand elle dit: donne,
devoue-toi, sacrifie-toi. Alors, seulement alors, elle est autre chose
qu'un instinct, n'est pas enseignee par la necessite d'etre, ne derive
point de nos besoins memes, et semble etre une veritable revelation.
L'instinct social embrasse et comprend toute la justice, la morale
commence a la charite.--Or c'est ou elle commence que Voltaire n'atteint
pas; et voila qu'apres l'avoir niee par ses principes generaux, puis
avoir un instant cru l'apercevoir et la proclamer, il se trouve enfin
qu'il ne l'a pas connue.
En histoire Voltaire est-il fataliste, providentialiste ou
spiritualiste; je veux dire croit-il a une simple serie de chocs et
de repercussions de faits les uns sur les autres sans qu'aucune
intelligence se mele a leur jeu et sans qu'ils aient aucun but?--ou
croit-il qu'il s'y mele, ou plutot que les embrasse une intelligence
universelle, les guidant vers un but connu d'elle, inconnu d'eux?--ou
croit-il qu'a cette melee des evenements se surajoutent et s'appliquent,
les ployant, les redressant, les dirigeant, en partie au moins,
_l'esprit humain_, l'intelligence independante, la volonte eclairee?
Pour ce qui est du providentialisme, la reponse est aisee: Voltaire le
repousse absolument. C'est contre "l'homme s'agite, Dieu le mene"; c'est
contre le _Discours sur l'histoire universelle_, c'est contre toute
l'idee chretienne sur l'histoire qu'a ete ecrit l'_Essai sur les
moeurs_, plus les vingt ou trente petits livres ou Voltaire a
indefiniment et cruellement reedite l'_Essai sur les moeurs_. Ecarter le
surnaturel de l'histoire, c'est l'effort tellement incessant de Voltaire
qu'on peut quelquefois le prendre pour toute son oeuvre et y trouver
l'idee maitresse de sa vie intellectuelle, qui en realite n'en a pas eu.
S'il croit en Dieu (et il croit qu'il y croit), a coup sur l'idee de la
Providence lui est etrangere absolumen
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