l'harmonie des couleurs s'y poursuit a travers les
registres superposes: tantot elles sont reparties avec rythme ou
symetrie, d'etage en etage, et s'equilibrent l'une par l'autre, tantot
l'une d'elles predomine et determine une tonalite generale, a laquelle
le reste est subordonne. L'intensite de l'ensemble est toujours
proportionnee a la qualite et a la quantite de lumiere que le tableau
devait recevoir. Dans les salles entierement sombres, le coloris est
pousse aussi loin que possible; moins fort, on l'aurait a peine apercu a
la lueur vacillante des lampes et des torches. Aux murs d'enceinte et
sur la face des pylones, il atteignait la meme puissance qu'au fond des
hypogees; si brutal qu'on le fit, le soleil en attenuait l'eclat. Il est
doux et discret dans les pieces ou ne penetre qu'un demi-jour voile,
sous le portique des temples et dans l'antichambre des tombeaux. La
peinture en Egypte n'etait que l'humble servante de l'architecture et de
la sculpture. La comparer a la notre ou meme a celle des Grecs, il n'y
faut point songer; mais si on la prend pour ce qu'elle est dans le role
secondaire qui lui etait assigne, on ne pourra s'empecher de lui
reconnaitre des merites peu communs. Elle a excelle au decor monumental,
et si jamais on en revient a colorer les facades de nos maisons et de
nos edifices publics, on ne perdra rien a etudier ses formules ou
a rechercher ses procedes.
3.--LES OEUVRES.
La statue la plus ancienne qu'on ait trouvee jusqu'a ce jour est un
colosse, le Sphinx de Gizeh. Il existait deja du temps de Kheops, et
peut-etre ne se trompera-t-on pas beaucoup si l'on se hasarde a
reconnaitre en lui l'oeuvre des generations anterieures a Mini, celles
que les chroniques sacerdotales appelaient les Serviteurs d'Hor. Taille
en plein roc, au rebord extreme du plateau libyque, il semble hausser la
tete pour etre le premier a decouvrir par-dessus la vallee le lever de
son pere le soleil (Fig.179). Les sables l'ont tenu enterre jusqu'au
menton pendant des siecles, sans le sauver de la ruine. Son corps
effrite n'a plus du lion que la forme generale. Les pattes et la
poitrine, reparees sous les Ptolemees et sous les Cesars, ne retiennent
qu'une partie du dallage dont elles avaient ete revetues a cette epoque
pour dissimuler les ravages du temps. Le bas de la coiffure est tombe,
et le cou aminci semble trop faible pour soutenir le poids de la tete.
Le nez et la barbe ont ete brises par des fanatiques, la teint
|