Thebes, et dont l'une
est le Memnon des Grecs, ont seize metres; elles sont en granit, d'un
seul bloc et faconnees avec autant de soin que si elles etaient de
taille ordinaire. Les avenues de sphinx qu'il lance en avant des
temples, a Louxor et a Karnak, ne s'arretent pas a quelques toises de la
porte, elles se prolongent a distance; ici c'est le lion a tete humaine,
la c'est le belier agenouille. Son successeur, le revolutionnaire
Khouniaton, loin d'enrayer ce mouvement, fit ce qu'il put pour
l'accelerer. Nulle part, peut-etre, les sculpteurs n'eurent plus de
liberte qu'aupres de lui, a Tell-Amarna. Defiles de troupes, promenades
en char, fetes populaires, receptions solennelles et distributions de
recompenses par le souverain, des palais, des villas, des jardins, les
sujets qu'il leur permettait d'aborder se distinguaient par tant de
points des motifs traditionnels, qu'ils pouvaient s'abandonner sans
contrainte a leur fantaisie et a leur genie naturel. Ils ne se priverent
point de le faire avec une verve et un entrain qu'on ne saurait
soupconner avant d'avoir vu leurs oeuvres a Tell-Amarna. Certains de
leurs bas-reliefs ont une perspective presque reguliere; tous rendent la
vie et le mouvement des masses populaires avec une justesse
irreprochable. La reaction politique et religieuse qui suivit ce regne
singulier arreta l'evolution et ramena les artistes a l'observance des
regies antiques; mais leur influence personnelle et leur enseignement
prolongerent quelque chose de leur maniere sous Harmhabi, sous Seti Ier,
sous Ramses II. Si l'art egyptien fut, pendant plus d'un siecle encore,
doux, libre et fin, c'est a eux qu'il le doit. Peut-etre n'a-t-il
produit rien de plus parfait que les bas-reliefs du temple d'Abydos ou
du tombeau de Seti Ier: la tete du conquerant (Fig.192), toujours
dessinee avec amour, est une merveille de grace emue et discrete. Le
Ramses II combattant d'Ibsamboul est presque aussi beau dans un autre
genre que le portrait de Seti Ier; le mouvement par lequel il leve la
lance a quelque chose d'anguleux, mais le sentiment de triomphe et de
force qui anime le corps entier, l'attitude desesperee a la fois et
resignee du vaincu rachetent amplement ce defaut. Le groupe d'Harmhabi
et du dieu Amon (Fig.193) qu'on voit au musee de Turin est un peu sec
de facture. La figure du dieu et celle du roi manquent d'expression, le
corps est lourd et mal equilibre. Les beaux colosses en granit rose,
qu'Harmhabi avait ad
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