vel amant a celui
qu'elle quitte et qui l'aime encore, lui donne la preuve d'estime la plus
grande qu'un homme puisse recevoir d'une femme." Du meme coup ses
felicitations et ses sympathies s'etendent a son successeur. Il la charge
de l'en informer: "Dis a Pagello que je le remercie de t'aimer et de
veiller sur toi comme il le fait. N'est-ce pas la chose la plus ridicule
du monde que ce sentiment-la? Je l'aime, ce garcon, presque autant que toi;
arrange cela comme tu voudras. Il est cause que j'ai perdu toute la
richesse de ma vie, et je l'aime comme s'il me l'avait donnee. Je ne
voudrais pas vous voir ensemble, et je suis heureux de penser que vous
etes ensemble. Oh! mon ange, mon ange, sois heureuse et je le serai." Puis
c'est l'aveu, le cri du coeur, qu'a cette epoque il profere dans chacune
de ses lettres: "Je t'ai si mal aimee!"
Cependant il l'entretient de projets litteraires auxquels elle est melee.
Il a l'intention d'ecrire un roman qui sera leur histoire, celui-la meme
qu'il intitulera la _Confession d'un enfant du siecle_. "Il me semble que
cela me guerirait et m'eleverait le coeur. Je voudrais te batir un autel,
fut-ce avec mes os; mais j'attendrai ta permission formelle." Il insiste,
il entend la venger de tant de calomnies stupides. Le monde s'etonnera,
rira peut-etre de ce mouvement chevaleresque d'un amant abandonne.
Qu'importe? "Il m'est bien indifferent qu'on se moque de moi, mais il
m'est odieux qu'on t'accuse avec toute cette histoire de maladie." Et
voila, sous la plume d'Alfred de Musset, la refutation anticipee de tout
ce qu'inventera et publiera l'humeur enfiellee de son frere!
Le 12 mai, George Sand repond point par point et donne au poete pleine
licence d'user de sa liberte reconquise: "Aime donc, mon Alfred, aime pour
tout de bon. Aime une femme jeune, belle et qui n'ait pas encore aime, pas
encore souffert. Menage-la, et ne la fais pas souffrir; le coeur d'une
femme est une chose si delicate, quand ce n'est pas un glacon ou une
pierre." A ses confidences elle en oppose d'autres, qui ont trait a
Pagello. Avec lui, dit-elle, "je n'ai pas affaire a des yeux aussi
penetrants que les tiens, et je puis faire ma figure d'oiseau malade sans
qu'on s'en apercoive. Si on me soupconne un peu de tristesse, je me
justifie avec une douleur de tete ou un cor au pied... Ce brave Pierre n'a
pas lu _Lelia_, et je crois bien qu'il n'y comprendrait goutte. Il n'est
pas en mefiance contre ces aberrations de nos t
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