ue toi, j'ai tout nie,
tout blaspheme, je doute de tout, hormis de toi... Sais-tu pourquoi je
n'aime que toi? Sais-tu pourquoi, quand je vais dans le monde a present,
je regarde de travers comme un cheval ombrageux? Je ne m'abuse sur aucun
de tes defauts; tu ne mens pas, voila pourquoi je t'aime. Je me souviens
bien de cette nuit de la lettre. Mais, dis-moi, quand tous mes soupcons
seraient vrais, en quoi me tromperais-tu? Me disais-tu que tu m'aimais?
N'etais-je pas averti? Avais-je aucun droit? O mon enfant cheri, lorsque
tu m'aimais, m'as-tu jamais trompe? Quel reproche ai-je jamais eu a te
faire, pendant sept mois que je t'ai vue jour par jour? Et quel est donc
le lache miserable qui appelle perfide la femme qui l'estime assez pour
l'avertir que son heure est venue? Le mensonge, voila ce que j'abhorre, ce
qui me rend le plus defiant des hommes, peut-etre le plus malheureux. Mais
tu es aussi sincere que tu es noble et orgueilleuse. Voila pourquoi je
crois en toi, et je te defendrai contre le monde entier jusqu'a ce que je
creve."
Non qu'il promette a George Sand une autre fidelite que celle du souvenir.
Il entend garder sa liberte; il aura--et il l'en avertit--d'autres
attachements. Deja, depuis son retour, il a cede a des fantaisies, comme
pour secouer le joug de l'absente. La raison qu'il en donne est
physiologique et printaniere: "Les arbres se couvrent de verdure, et
l'odeur des lilas entre ici par bouffees, tout renait, et le coeur me
bondit malgre moi." Aussi bien s'est-il promis a lui-meme que la premiere
femme qu'il aimera sera _jeune_. Et cette declaration est mediocrement
flatteuse pour les trente ans revolus de George Sand; mais presque
aussitot, et par contraste, il ajoute une impression tendre et meme une
calinerie sentimentale. Il est alle chez elle quai Malaquais, il a trouve
dans la soucoupe des cigarettes qu'elle avait faites avant leur depart.
"Je les ai fumees, dit-il, avec une tristesse et un bonheur etranges. J'ai,
de plus, vole un petit peigne a moitie casse dans la toilette, et je m'en
vais partout avec cela dans ma poche." Quelques lignes plus loin, nouvelle
et singuliere virevolte de la pensee: "Sais-tu une chose qui m'a charme
dans ta lettre? C'est la maniere dont tu me parles de Pagello, de ses
soins pour toi, de ton affection pour lui, et la franchise avec laquelle
tu me laisses lire dans ton coeur. Traite-moi toujours ainsi, cela me rend
fier. Mon amie, la femme qui parle ainsi de son nou
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