et malade, de bienfaisantes images
et de cheres esperances!--Ne crains pas, o toi qui as laisse sur mon
chemin cette trace embaumee, ne crains jamais que je la laisse se perdre.
Je la serrerai dans mon coeur silencieux, comme une essence subtile dans
un flacon scelle. Nul ne la respirera que moi, et je la porterai a mes
levres dans mes jours de detresse, pour y puiser la consolation et la
force, les reves du passe, l'oubli du present."
Du fond de ses souvenirs de jeunesse, George Sand appelle et nous montre
les palombes ensanglantees que rapportaient les chasseurs, en la saison
d'automne. Quelques-unes vivaient encore. On les donnait a Aurore. Elle
les soignait avec cette sollicitude de tendre mere que plus tard elle ne
devait pas reserver aux seules palombes. Quand elles etaient gueries, dans
la cage qui les emprisonnait, elles avaient la soif du plein air, la
nostalgie de la liberte. Et Aurore, qui deja etait douee de l'instinct
sentimental, les voyant refuser les feves vertes et se heurter aux
impitoyables barreaux, songeait a leur rendre la plenitude de vivre.
"C'etait un jour de vives emotions, de joie triomphante et de regret
invincible, que celui ou je portais une de mes palombes sur la fenetre. Je
lui donnais mille baisers. Je la priais de se souvenir de moi et de
revenir manger les feves tendres de mon jardin. Puis j'ouvrais une main
que je refermais aussitot pour ressaisir mon amie. Je l'embrassais encore,
le coeur gros et les yeux pleins de larmes. Enfin, apres bien des
hesitations et des efforts, je la posais sur la fenetre. Elle restait
quelque temps immobile, etonnee, effrayee presque de son bonheur. Puis
elle partait avec un petit cri de joie qui m'allait au coeur. Je la
suivais longtemps des yeux; et quand elle avait disparu derriere les
sorbiers du jardin, je me mettais a pleurer amerement..."
Alfred de Musset venait d'etre, lui aussi, la palombe ensanglantee,
souffreteuse, lentement rechauffee, peniblement guerie, qui d'une aile
encore lasse, a peine remise de sa brisure, avait fui la cage venitienne
pour s'envoler vers la douce France et rentrer au nid deserte, au vrai nid
maternel.
"Quand nous nous sommes quittes--murmure celle qui reste et
s'attarde--j'etais fier et heureux de te voir rendu a la vie; j'attribuais
un peu a mes soins la gloire d'y avoir contribue. Je revais pour toi des
jours meilleurs, une vie plus calme. Je te voyais renaitre a la jeunesse,
aux affections, a la gloire. Mais qua
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