s'evanouit la narration mensongere et odieuse de Paul de Musset. Son frere,
si George Sand n'avait pas dit vrai, aurait-il donne son acquiescement et
son concours a l'impression d'un manuscrit, passe par ses mains, qui
evoquait et precisait les chimeres de son cerveau delirant? Devant ces
navrantes detresses de l'humaine fragilite, a mi-chemin entre la vie et la
mort, l'ame angoissee de la femme se tourne vers la source invisible, mais
certaine, de toute consolation. Elle prie en un essor d'amour. "La seule
puissance, dit-elle, a laquelle je croie est celle d'un Dieu juste, mais
paternel... Ecoute, ecoute, Dieu terrible et bon! Il est faux que tu
n'aies pas le temps d'entendre la priere des hommes; tu as bien celui
d'envoyer a chaque brin d'herbe la goutte de rosee du matin!" Dans cet
elan de reconnaissance infinie et d'humble respect envers l'Etre des etres,
il y a la necessaire adoration de la creature qui ne discerne en soi-meme
ni son origine ni sa fin, qui percoit, avec la certitude de la raison plus
decisive que le temoignage des sens, l'existence d'une force eternelle,
exterieure et superieure a sa faiblesse. Nier Dieu est un incommensurable
orgueil; l'ignorer est une transcendante indifference; l'honorer et
l'adorer est l'acte reflechi de la foi libre et consciente. Alfred de
Musset ne nous a-t-il pas, en deux vers sublimes, incites a ce reconfort
de la priere, confiant appel de l'isole et viatique d'esperance?
Si le ciel est desert, nous n'offensons personne,
Si quelqu'un nous entend, qu'il nous prenne en pitie.
Ce genereux spiritualisme, nous le retrouvons dans l'oeuvre entiere de
George Sand, et il se manifeste en un instinct de survivance pour les
pensees, les affections, comme pour la substance meme de l'etre, par dela
l'inconnu de la tombe. Ainsi l'exquise senteur, emportee d'une fleur que
l'on a touchee et qui confie aux doigts un peu de son arome, inspire a
George Sand une image d'un touchant symbolisme: "Quelle chose precieuse
est donc le parfum, qui, sans rien faire perdre a la plante dont il emane,
s'attache aux mains d'un ami, et le suit en voyage pour le charmer et lui
rappeler longtemps la beaute de la fleur qu'il aime?--Le parfum de l'ame,
c'est le souvenir. C'est la partie la plus delicate, la plus suave du
coeur, qui se detache pour embrasser un autre coeur et le suivre partout.
L'affection d'un absent n'est plus qu'un parfum; mais qu'il est doux et
suave! qu'il apporte, a l'esprit abattu
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