puissante mere, la liberte. Mais ce ne
sont pas les oppresseurs qui le gueriront. Les oppresseurs sont athees."
George Sand ici semble paraphraser la maxime si judicieuse de Maximilien
Robespierre: "L'atheisme est aristocratique." De vrai, le spiritualisme
est le principe, l'idealisme est la loi de la democratie, en sa forme la
plus noble et la plus feconde.
A l'encontre du scepticisme, et dans l'attente et le desir d'une foi sure,
la preface des _Lettres d'un Voyageur_ nous propose cette saisissante
image: "Au retour de la campagne de Russie, on voyait courir sur les
neiges des spectres effares qui s'efforcaient, en gemissant et en
blasphemant, de retrouver le chemin de la patrie. D'autres, qui semblaient
calmes et resignes, se couchaient sur la glace et restaient la engourdis
par la mort. Malheur aux resignes d'aujourd'hui! Malheur a ceux qui
acceptent l'injustice, l'erreur, l'ignorance, le sophisme et le doute,
avec un visage serein! Ceux-la mourront, ceux-la sont morts deja,
ensevelis dans la glace et dans la neige. Mais ceux qui errent avec des
pieds sanglants et qui appellent avec des plaintes ameres, retrouveront le
chemin de la Terre promise, et ils verront luire le soleil."
Si la preface se complait ainsi a evoquer des sentiments generaux et
altruistes, ce sont des emotions tout intimes qui se traduisent et se
refletent dans les trois premieres _Lettres d'un Voyageur_. Le souvenir
d'Alfred de Musset y plane ou y flotte. Au murmure de la Brenta, par
exemple, elle pense a la veillee du Christ dans le jardin des Olives, et
elle se rememore un soir ou ils ont longuement parle de ce chant du divin
poeme evangelique. "C'etait, dit-elle, un triste soir que celui-la, une de
ces sombres veillees ou nous avons bu ensemble le calice d'amertume. Et
toi aussi, tu as souffert un martyre inexorable; toi aussi, tu as ete
cloue sur une croix. Avais-tu donc quelque grand peche a racheter pour
servir de victime sur l'autel de la douleur? qu'avais-tu fait pour etre
menace et chatie ainsi? est-on coupable a ton age? sait-on ce que c'est
que le bien et le mal? Tu te sentais jeune, tu croyais que la vie et le
plaisir ne doivent faire qu'un. Tu te fatiguais a jouir de tout, vite et
sans reflexion. Tu meconnaissais ta grandeur et tu laissais aller ta vie
au gre des passions qui devaient l'user et l'eteindre, comme les autres
hommes ont le droit de le faire. Tu t'arrogeas ce droit sur toi-meme, et
tu oublias que tu es de ceux qui ne s
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