sommeil.
Tout en s'habillant, Pardaillan songeait:
"Que veut-on de moi? A-t-on craint que je me servisse de ces eperons
pour frapper mes geoliers enfroques? N'a-t-on pas voulu plutot me
mettre dans l'impossibilite de me soustraire par une mort volontaire au
supplice qui m'est reserve?... Quel supplice?..."
Et, avec un sourire terrible:
"Ah! Fausta! Fausta quel compte terrible nous aurons a regler... si je
sors vivant d'ici!"
Et, tout a coup:
"Et ma bourse?... Ils l'ont emportee avec mon costume dechire... Peste!
M. d'Espinosa me fait payer cher le costume qu'il m'impose!"
Au meme instant, il apercut sa bourse posee ostensiblement sur la table.
Il s'en empara et l'empocha avec une satisfaction non dissimulee.
"Allons, murmura-t-il, je me suis trop hate de mal juger... Mais,
mort-diable! je ne vais plus oser boire ni manger maintenant, de crainte
qu'on ne melange encore quelque drogue endormante a ma pitance."
Il reflechit un instant, et:
"Non! fit-il en souriant, ils ont obtenu ce qu'ils voulaient. Il est a
presumer qu'ils ne chercheront pas a m'endormir de nouveau. Attendons.
Nous verrons bien."
Comme il l'avait prevu, il put boire et manger sans eprouver aucun
malaise, sans qu'aucune drogue fut melee a ses aliments.
Pendant trois jours, il vecut ainsi, sans voir d'autres personnes que
les moines qui le servaient et le gardaient en meme temps, sans jamais
se departir d'un calme absolu, sans jamais lui dire une parole.
Il avait voulu les interroger, savoir, s'informer. Les religieux
s'etaient contentes de le saluer gravement et profondement, et s'etaient
retires sans repondre a ses questions.
Le matin de ce troisieme jour, il allait et venait dans sa prison,
marchant d'un pas nerveux et saccade pour se derouiller, cherchant et
combinant dans sa tete une foule de projets qu'il rejetait au fur et a
mesure qu'ils naissaient. Il avait laisse sa fenetre grande ouverte,
comme il faisait tous les jours du reste, et il passait et repassait
devant cette fenetre.
Tout a coup, il entendit un bruit sourd. Il se retourna vivement et
apercut une balle grosse comme le poing qui venait d'etre projetee,
par la croisee ouverte. Avant meme que de ramasser cette balle, il se
precipita a la fenetre et il apercut une silhouette connue qui lui fit
un signe furtif en traversant vivement le jardin sur lequel il avait
vue.
"Le Chico! clama Pardaillan dans son esprit. Ah! le brave petit
homme!... Comment diabl
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