es; de terrifiantes rumeurs circulaient
deja sur leurs exactions, et leurs hardis eclaireurs etaient signales a
d'enormes distances. Qu'importait d'ailleurs le point sur lequel portait
la souillure: elle entachait le sol de la France; la patrie etait
violee. Comment demeurer le temoin impassible d'une telle honte? Ne
devaient-ils pas moins souffrir ceux qui, luttant au peril de leur vie,
mettaient au moins, quelle que dut etre l'issue finale, leur conscience
en repos?
Partout, dans les casernes, dans les etablissements prives, des ecoles
s'etaient ouvertes spontanement, des la declaration de guerre, pour
l'instruction des cadres de la garde nationale mobile. Je m'etais fait
inscrire au gymnase Leotard, et j'avais d'abord suivi les cours sans
plan determine, par imitation de mes camarades qui aimaient mieux
devenir officiers que simples gardes. Mais je ne tardai pas a me
passionner pour le maniement du fusil, pour l'ecole de peloton et de
compagnie, pour l'escrime a la baionnette. La nuit venue, j'allais,
accompagne d'un de mes jeunes freres, faire de longues courses au pas
gymnastique, pour m'assouplir et m'entrainer. Nous rentrions rouges,
haletants, epuises; mais ces efforts avaient deja leur recompense. Ils
m'epargnaient les insomnies durant lesquelles je ne cessais de repasser
tous les details desesperants apportes par le telegraphe. Apres un bon
somme, l'idee fixe des progres a faire pour hater le depart me reprenait
au reveil, et je retournais de bonne heure au gymnase.
Avant de decrocher les fusils du ratelier, nous nous pressions autour
des moniteurs, pour avoir des nouvelles du maitre de la maison. Leotard,
le celebre acrobate, etait atteint de la petite verole. Chez cet
athlete, alors dans la force de l'age, la maladie avait pris tout d'un
coup une violence extreme. Il delirait sans repos, et, ce qui nous
attachait le plus a lui, c'est que son delire se changeait en fureur
patriotique. Il ne voyait que des Prussiens autour de lui, dans ses
hallucinations. Malgre l'affaiblissement de la fievre, les restes de sa
vigueur le rendaient encore redoutable; il ne fallait pas moins de deux
hommes robustes pour le veiller sans cesse, et, presque d'heure en
heure, ils avaient a lutter corps a corps avec lui, afin de le maintenir
dans le lit d'ou il voulait s'elancer pour courir sus aux ennemis de la
France. Il mourut un matin dans un de ces terribles acces.
Cependant, la legion des mobiles de la Haute-Garonne s'orga
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