ervir, le grade de sergent-major. Comme je l'eusse
envie, le double galon, s'il avait du me dispenser de porter mon sac!
En tout cas, les paroles bienveillantes du capitaine justifiaient un peu
le depit de Gouzy et de Nareval, qui perca malgre eux. Ils me bouderent
pendant une heure et devinrent ensuite les meilleurs camarades du monde.
Quant a mon troisieme rival, il ne daignait plus etre jaloux de moi.
Villiot, simple sergent, etait deja designe pour passer sous-lieutenant.
Pourquoi son compatriote n'obtiendrait-il pas la meme faveur? En verite,
le beau Laurier attendait l'epaulette, ni plus ni moins, et dans cette
attente il relevait un peu plus ses moustaches; il multipliait les
punitions, sans de bien graves motifs, pour se donner de l'importance!
Harel, cela va sans dire, avait ete consacre sergent-major, et, pour
completer notre cadre, il nous fut donne un lieutenant. M. Barta, comme
M. Houssine, etait sorti des rangs, mais depuis plus longtemps. Il avait
la mine d'un grognard qu'il etait, ayant combattu en Crimee, en Italie,
et etant decore de la medaille militaire. Forte moustache, longue
barbiche, grosse-voix. Au demeurant, le meilleur des hommes. Il eut ete
parfait, sans son gout prononce pour la dive bouteille; mais, a l'armee
de la Loire, il n'y avait guere a boire que de la neige fondue. M.
Barta nous apparut donc sous un jour excellent. Grace a lui, la 6e du 3
achevait d'etre encadree de maniere a ne pas trop redouter l'epreuve du
feu.
D'ailleurs le colonel Koch mettait a profit le dernier repit accorde par
le general en chef, pour faire manoeuvrer le regiment a travers champs.
J'eusse pris plaisir a cette preparation aux combats prochains; mais mon
quartier general etait a la gare, ou se poursuivaient d'interminables
distributions. Fastidieuses corvees. Tous les fourriers de la brigade
etant convoques en meme temps, il leur fallait assister a la pesee
successive, par les soins d'un sergent d'administration rarement bien
dispose, des lots de denrees revenant a chaque compagnie. L'operation,
quand il s'agissait des vivres de campagne, se renouvelait cinq fois.
Sucre, 36 pesees; cafe, 36 pesees; riz, de meme; sel encore, haricots,
toujours 36. Le lendemain, distribution de viande fraiche ou de lard
sale, de pain ou de biscuit, pour recommencer ensuite. Ah! l'effrayant
tonneau des Danaides que le ventre d'une armee!
Le 24 novembre, je ramenais de la gare mes hommes de corvee, moins
irrite encore d'une
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