res de nous, l'ordre fut donne d'avancer et de
faire bonne contenance.
L'idee du combat, qui nous animait et nous surexcitait depuis le matin,
prenait corps. Ce qui avait l'aspect de simples haies, a l'horizon,
allait sans doute se changer en buissons ardents, crachant le fer, et
la traversee d'Ouzouer venait de rappeler quelles pouvaient etre les
consequences de cet ouragan. Chacun a des nerfs plus ou moins faciles a
exciter, a tendre. Mais tous s'efforcaient d'aller bravement au bapteme
du feu.
Moi aussi, je marchais a mon rang de bataille, exactement,
scrupuleusement, et, s'il faut l'avouer, mon courage de conscrit puisait
quelque reconfort dans ce strict accomplissement du devoir. Le fourrier
se tenant derriere la premiere section de la compagnie, ma petite taille
se flattait tout bas de trouver un abri derriere les grands gaillards
dont j'avais peine a emboiter le pas. Du moins, les premiers pruneaux
seraient gobes par d'autres, illusoire esperance qui avait suffi pour
m'empecher de trembler et de paraitre emu.
Je gardais en tout cas assez de presence d'esprit pour observer du coin
de l'oeil tout le monde autour de moi. Il faut dire d'abord que, si
l'action s'engageait ce jour-la, un bon moteur allait nous manquer,
l'ascendant de notre energique capitaine: M. Eynard, charge la veille
d'une mission secrete, avait laisse le commandement au lieutenant Barta.
Assurement le flegme de ce vieux soldat de Crimee et d'Italie etait d'un
bon exemple, sans valoir toutefois le bel entrain de notre jeune chef.
Il allait a dix pas en avant, paraissant surtout preoccupe de ne pas se
laisser distancer par M. Houssine, qui avait de beaucoup plus longues
jambes.
Quant aux soldats, apres quelques rares accidents passagers, rien de
remarquable, si ce n'est l'attention qu'ils pretaient a se sentir les
coudes et a ne pas perdre l'alignement dans la marche en bataille assez
penible sur un sol inegal et durci. La peur des entorses, jointe au
desir de ne pas manquer le pas, les distrayait de l'idee du danger.
Ce qu'il convient de noter, c'est l'instinctive coquetterie qui avait
pousse les plus frileux, des que le combat avai paru probable, a denouer
leurs mouchoirs serre-tete et a rentrer dans le kepi la doublure de
cuir. D'ailleurs personne n'avait plus froid et aucune main ne craignait
plus la bise.
A deux pas en arriere, la ligne des serre-files suivait: Villiot d'un
pas et d'un air tranquilles, Gouzy accentuant un peu sa nonc
|