eux capitaine s'appretait a crier en avant,
lorsqu'il nous arriva un renfort inespere.
Le lieutenant Barta, M. Houssine, les sergents Gouzy, Nareval et une
trentaine d'hommes nous rejoignirent enfin. Ils revenaient de Mer,
jusqu'ou ils s'etaient egares. Quelques minutes plus tard, et nous
allions au feu sans eux; mais, parce que nous ne les avions pas suivis,
ils songeaient a nous gourmander, tant est irresistible l'envie
d'accuser autrui quand soi-meme on ne se sent pas sans reproche. Ma
situation aurait sans doute ete penible, sans la presence de notre
capitaine. Le sous-lieutenant Houssine eut ete heureux de me chercher
chicane; mais il etait gene d'avoir a s'en prendre en meme temps au
sergent-major, a Villiot et a Laurier. Au surplus, M. Eynard n'etait pas
homme a encourager les mauvaises plaisanteries. Il coupa court a des
recriminations un peu grotesques et tout a fait oiseuses. La compagnie
se reconstitua a l'effectif respectable de 180 hommes, et, forme en
colonne par sections, le bataillon se dirigea vers la partie du champ de
bataille qui nous etait assignee, au nord d'Origny, a deux kilometres
environ.
Durant notre marche assez penible dans des champs laboures ou a travers
des vignes herissees de tuteurs et de ceps rampant sur la terre et sous
la neige, nous pumes causer un peu, Nareval et moi. Soit que les etapes
supplementaires l'eussent fatigue, soit qu'un facheux pressentiment
le troublat, il manquait de cet enthousiasme que, dans le trajet de
Perpignan a Angers, je m'etais plus d'une fois efforce de moderer. Le
decor n'etait point fait a la verite pour rechauffer le coeur. Le sol
etait dur et glissant, la neige nous glacait, et l'idee d'etre couche la
pour ne plus se relever nous faisait malgre tout passer un frisson dans
le dos. Une steppe blanche, a perte de vue. A peine si la silhouette des
fermes et des villages tranchait sur cet horizon pale. Dans les hameaux
que nous cotoyions, les jardins etaient deserts, les basses-cours
silencieuses. Pas un nuage de fumee au-dessus des toits, comme
l'avant-veille. Les recents combats avaient chasse tous les etres
vivants et fait de cette plaine une immense necropole. Seule la lueur
des decharges, leur detonation, a droite et a gauche, rompaient la morne
tristesse de la nature. La vie ne s'y revelait que par le jeu formidable
des instruments de mort.
Les deux premiers bataillons du 48e, cantonnes dans le village
d'Ourcelles, nous avaient devances sur le te
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