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ble qui avait les deux bras brises. Jusqu'au jour je n'osai me remuer, de peur de heurter le miserable que sa double blessure immobilisait comme un mort. Or les nuits de decembre sont interminables, et celle que je passai la me parut bien la plus longue de ma vie. Le sommeil me fuyait, et mon cerveau semblait tourner dans ma tete. A la lueur vacillante d'une veilleuse, les objets environnants prenaient des formes etranges, fantastiques, effrayantes. L'etabli du menuisier, dont l'ombre s'etendait jusqu'a nous, offrait l'aspect d'un catafalque. Plusieurs planches, dressees contre les murs, avaient des blancheurs de fantomes, et le jeu de la lumiere leur donnait un semblant d'agitation. La fievre gagnait sur moi, incontestablement, et quand, par un effort de volonte, je parvenais a la vaincre, a ressaisir le sentiment exact des choses, une autre terreur surgissait. Je pretais anxieusement l'oreille aux rumeurs de la rue. A la nouvelle de l'abandon de Beaugency, le bruit s'etait repandu que les Allemands s'avancaient rapidement et que la ville de Mer allait etre envahie. Les chevaux qui parfois passaient au galop, appartenaient-ils a nos estafettes ou a quelques uhlans audacieux? Etaient-ce deja les pas de nos ennemis qui resonnaient sur le pave de la rue? Le jour allait-il nous trouver libres, ou prisonniers? Dans l'immobilite penible ou j'etais reduit, un incident futile vint cependant me distraire. Un petit objet, comme un caillou, roulait sous mes talons, me genait: je me creusai vainement l'esprit a en determiner la forme et la nature, sans pouvoir l'atteindre. Au jour enfin, je reconnus une balle tronconique, de la grosseur du pouce, toute machee. C'etait celle qui m'avait blesse: apres m'avoir contusionne la cuisse, elle etait descendue dans ma guetre. Soigneusement je la recueillis. Mon frere aine m'avait demande un souvenir des Allemands: ils ne m'avaient pas laisse en ramasser un, mais me l'avaient envoye: faute de mieux, il faudrait que mon collectionneur s'en contentat. Je comptais bien pouvoir le lui rapporter, les troupes francaises occupant encore la ville. En les voyant circuler dans la rue, j'eprouvai autant de joie que si elles venaient reellement de nous delivrer. Le 10, dans la matinee, il me fallut donc dire adieu a ma gracieuse et douce infirmiere. Tremblant de fievre et de froid, boitant, _trainant l'aile et tirant le pied_, je gagnai la gare, ou, d'heure en heure, des trains formes a la hate emp
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