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mon desir de rentrer a Toulouse, et lui parlai du certificat du docteur Charles. Il n'hesita pas a me faire descendre; il m'autorisa a aller prendre un autre train, a la gare Saint-Jean, de l'autre cote de la Garonne, apres m'avoir engage a me faire panser dans une salle dont il m'indiqua l'entree. Cette salle etait le hall d'attente, peu eleve de toiture, mais d'une tres vaste superficie. Le gaz l'eclairait mediocrement. Quand je poussai devant moi la porte vitree, une odeur acre me prit a la gorge, une odeur indecise, entre l'abattoir et le charnier. Le sol n'etait qu'une immense litiere, jonchee de victimes saignantes, et, de distance en distance, circulaient avec precaution quelques soeurs grises dont les cornettes blanches semblaient lumineuses dans l'obscurite relative. Une rumeur de plaintes, dominee par des hurlements sonores, s'elevait de ce lit commun de nobles souffrances. A ce douloureux spectacle, j'oubliai mon propre mal et me sentis assailli par de plus hautes pensees. Dans notre guerre a outrance, il fallait bien que la victoire restat a l'une des deux nations: l'autre, a defaut de gloire, pouvait du moins revendiquer l'estime du monde, en se defendant jusqu'a l'epuisement. Dans cette lutte ou tombaient tant de Francais, peu importait qu'ils fussent vaincus: il est vrai que nous n'ajouterions pas de trophees a ceux que nos aines ont entasses a l'hotel des Invalides; mais nous souffrions assez pour avoir droit plus tard au respect de nos cadets. Oui, malgre nos desastres inouis, nous pouvions sans forfanterie, comme les Russes apres la defense heroique de Sebastopol, repeter le mot du vaincu de Pavie: _Tout est perdu, fors l'honneur._ Devant le sombre tableau qui s'etait offert a mes yeux, une pitie profonde, melee d'un certain orgueil, m'avait donc envahi. Nareval, Daries, le malheureux caporal Tillot, et mes autres compagnons d'armes, qui, peut-etre, avaient succombee a leur tour, tous me revinrent en memoire; et en pensant a eux je fus saisi de la crainte de fouler aux pieds quelques-uns des martyrs qui se tordaient sur cette paille ensanglantee, tandis que mon bras n'exigeait pas des soins immediats. Quand j'eus referme la porte de l'etrange salle d'attente ou l'on sentait planer la mort, je m'eloignai en frissonnant malgre moi: je quittai la gare pour marcher un peu, pour me convaincre aussi que, quoique frappe, je n'etais pas tout a fait abattu. Quelque temps avant la guerre, j'avais fait a
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