rrain. Dessus n'est pas le
mot, dedans serait plus exact, car nous les trouvames en position dans
des tranchees-abris pratiquees au milieu des champs entre Origny
et Villejouan. L'esprit francais trouva, dans cette circonstance,
l'occasion de s'exercer, malgre la gravite du moment. "Ils seront bien
genes pour courir! disait l'un.--Parbleu, ajouta un autre, ils font deja
le pas gymnastique sur place. Vois donc!" Le fait est qu'ils tachaient
de se rechauffer les pieds. "Ils s'enterrent avant d'etre tues!" conclut
un troisieme. Plaisanterie macabre, non sans a-propos. La plupart de
ces ouvrages de defense devaient abreger, apres la bataille, la triste
besogne des infirmiers. Beaucoup d'hommes furent deposes dans les fosses
qu'ils avaient aide a creuser la veille.
Tout en les plaisantant, nous serrames, en passant, la main aux
camarades, que peut-etre nous ne reverrions plus. A ce moment un
roulement sourd, comparable a l'echo affaibli de coups de battoirs
precipites, se fit entendre vers l'ouest. Dans la brume de l'horizon
se profila bientot, tranchant sur la blancheur du terrain, un groupe
irregulier et mouvant de cavaliers qui venaient de Josnes. Ils
s'avancaient au trot, mais ralentirent leur allure pour passer en revue
nos deux premiers bataillons. C'etait l'etat-major de l'armee.
Le general Chanzy parcourait le champ de bataille, s'assurant partout de
l'execution de ses ordres, et veillant a la bonne tenue des troupes. Il
montait un cheval arabe a longue criniere, sans doute celui que nous
avions entrevu dans la froide nuit du 1er au 2 decembre. Alors dans la
force de l'age, le vainqueur de Coulmiers tenait droite sa tete fine,
aux moustaches effilees, aux sourcils fronces legerement. Sauf ce
dernier signe de perpetuelle reflexion, sa physionomie martiale
respirait la confiance et le calme. La journee de la veille, les
engagements du matin, justifiaient cet etat serieux d'une grande
conscience en repos. Qu'il fut battu, Chanzy avait du moins tente tout
ce qui etait en son pouvoir; mais il semblait croire sincerement a
la victoire. Il communiqua son espoir a ceux de nos camarades qui
occupaient les tranchees: en passant, il leur promit la revanche.
Cette figure, animee du plein eclat que donnent les grandes
responsabilites courageusement acceptees, contrastait avec l'air fatigue
des aides de camp, surmenes nuit et jour. Ces jeunes tetes pales
emergeaient a demi du col des pelisses-fourrees, autour du visage
auste
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