e chose pres les memes symptomes que le matin du 30 novembre, a la
sortie d'Ouzouer-le-Marche, sauf, il faut l'avouer, un air plus sombre
du cote de Nareval et quelques imperceptibles signes de couardise de la
part de l'impertinent Laurier. La tenue des hommes etait correcte, avec
meme une pointe d'humour.
Il me serait impossible de dire combien de temps dura notre attente.
Mais voici les eclaireurs algeriens, qu'une bordee de mitraille a
ramenes. Trop longue est la distance a franchir dans la zone dangereuse
du tir. Tous les chevaux auraient ete fauches en chemin, pas un homme ne
serait arrive sur les batteries de Beaumont. Les Africains s'eloignent
d'ailleurs en caracolant, comme a la fantasia. Plus gravement s'ecoule,
au petit trot, la double file des _Gros Freres_, qui vont attendre une
occasion meilleure dans la direction d'Ourcelles. Tous semblent un
instant grandir en franchissant la crete d'un coteau au dela duquel ils
disparaissent brusquement, comme s'ils s'etaient abimes dans un ravin ou
evanouis dans la brume.
Ce que la cavalerie n'avait pu faire, il nous appartenait de le tenter
avec de l'artillerie. Ordre fut donne a toute la division de se porter
en avant de Cernay et de Villechaumont, petit village qui se dressait
a l'est, sur notre droite. Mais, avant que le commandement eut ete
transmis sur toute la ligne, un bataillon du 51e qui le premier avait
occupe Cernay, et s'y maintenait aprement depuis le matin, est a la fin
serre de trop pres, culbute, refoule; son chef, le commandant Pondielli,
notre capitaine de Perpignan, a la moitie de la main emportee,--la main
qui avait signe la condamnation du soldat dont le corps etait enfoui,
tout pres de la, sur la lisiere de la foret de Marche, noir: la plupart
des officiers sont atteints: les soldats reculent et abandonnent le
village. Le colonel Koch les arrete, les rallie et les range a notre
gauche. Tout emus encore, ils saluent les obus d'un mouvement plongeant,
a la grande joie de nos hommes qui, n'ayant pas ete encore etrilles, les
raillent sans pitie.
Enfin, tandis que le 10e bataillon de marche de chasseurs a pied se
jette dans le village et empeche la tete de colonne bavaroise d'y
penetrer, notre compagnie est deployee en tirailleurs, en avant du
bataillon qui se porte vers la gauche. Mais les mobiles de l'Orne et les
mobilises de la Sarthe sont la, masses par pelotons. De minute en minute
brille un eclair suivi d'une detonation terrible: elle recoit
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