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rit que notre mulet tomberait; il tomba, en nous projetant a deux ou trois metres. Dieu, quels effroyables cris! Comment songer a son propre mal, en entendant de telles lamentations? Nous venions d'entrer dans un village qu'occupaient des mobiles. Vite releves par quelques-uns d'entre eux, nous fumes conduits dans l'auberge, et regales d'une tasse de cafe bien chaud. Notre mulet s'etant de son cote remis de sa chute, les mobiles nous reinstallerent avec precaution sur nos sieges et nous reprimes notre odyssee par le chemin qui conduit a Mer. Au depart nous avions passe devant des fermes ou travaillaient des chirurgiens. Des hommes au torse nu tache de rouge, d'autres montrant, qui son bras, qui sa jambe ou son pied, cela avait glisse en quelque sorte sous nos yeux, sans faire sur moi une impression trop profonde. Mais, a mesure que le jour avancait et que nous nous rapprochions de la ville, differents chemins aboutissaient a la grande route ou affluaient les blesses provenant des divers points du champ de bataille. Quelques-uns, les plus rares, suivaient a pied, beaucoup en cacolet, d'autres sur des chariots de toutes formes. Ils offraient un spectacle attristant. Parmi ceux qui etaient couches sur des charrettes, il y en avait au teint bleme et verdatre. Les convoyeurs n'osaient sans doute pas se defaire d'un fardeau sacre, lors meme qu'ils avaient la certitude de ne plus transporter qu'un cadavre. Dans une de ces voitures, j'eus la douleur d'apercevoir, vivant encore, mais trop prive de ses sens pour me reconnaitre, le malheureux caporal Daries. Il avait eu, a ce que m'apprit le charretier, une jambe broyee par un obus. Derriere le remblai du chemin de fer, la ville de Mer montra enfin le faite de ses maisons inegales, le grand toit de sa halle et son clocher qui, toute proportion gardee, rappelle modestement une des tours de Notre-Dame de Paris. La route passe sous un pont, et les habitations se dressent au dela. Au milieu du faubourg, notre conducteur s'avoua fort embarrasse. Il ne pouvait guere nous transporter plus loin, d'autant que nous avions besoin d'etre panses et de nous reposer; mais il ne savait ou nous laisser. Une foule de malheureux, en attendant d'etre evacues dans la direction de Blois, s'entassaient a la gare: nous n'y aurions trouve aucun abri. Me souvenant de m'etre arrete dans un cafe du voisinage, je dis au soldat de nous y conduire. Depuis un mois, l'etablissement avait ete abandonne; les
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