leurs
tranchees, deployaient en tirailleurs les compagnies du lieutenant Gelis
et du capitaine Duhamel et s'avancaient eux-memes en bataille au nord
de Villevert. Plus a droite, les mobiles de l'Yonne et ceux du Cantal
franchissaient resolument la route de Cravant a Beaugency, en faisant
de nombreux prisonniers. Au dela encore, la division Deplanque, du 16e
corps, enlevait la ferme du Mee, a la baionnette, tandis qu'a gauche le
general Deflandre, au prix d'une blessure mortelle, s'emparait du bourg
de Layes. Ces derniers episodes de la journee en firent sans conteste
une journee victorieuse. Il suffit de s'en rapporter sur ce point au
rapport de nos ennemis:
"Vers quatre heures, la 1re brigade bavaroise venait prendre rang entre
les troupes postees le long de la grande route, gravissait de concert
avec elles, et aux cris de "hourra!" les hauteurs qui s'etendent de
Cernay vers Villevert et se heurtaient alors a des troupes fraiches
debouchant du sud a sa rencontre. Les bataillons bavarois avaient perdu
deja un grand nombre d'officiers, et leurs rangs decimes n'etaient plus
en etat de recevoir ce nouveau choc; ils se replient sur Beaumont,
suivis par les Francais; mais l'artillerie, qui s'y maintient
inebranlable, oppose un insurmontable obstacle aux assaillants."
V
Comme si un accord se fut etabli entre les deux adversaires, le feu
cessa simultanement sur les deux fronts de bataille. La nuit etait
noire, le silence profond. A en juger par la sensation personnelle de
chacun, on comprenait qu'une detente se produisait en cet instant dans
les nerfs des cent mille hommes eparpilles dans la plaine, tant d'un
cote que de l'autre. Cette detente, toutefois, n'entrainait
pas l'allegement complet du coeur. Soit la pensee des horreurs
environnantes, soit la conscience du peu de duree de cette accalmie, une
invincible oppression persistait. Tout a coup, pour la justifier, deux
gerbes de feu jaillirent a cent pas de nous, en meme temps que nous
parvenait le bruit de deux detonations isolees. Est-ce qu'apres douze
heures de lutte il n'y aurait pas de repit? Ou bien etait-ce simplement,
comme a la fin d'une fete publique, la bombe d'adieu des artificiers?
ou, plutot, une facon de dire au revoir pour le lendemain?
Plus rien, quelques minutes s'ecoulerent, un quart d'heure, et le
silence persista. Lentement, nous penetrions pendant ce temps dans le
village de Cernay. La route qui le traverse etait jalonnee de cadavres.
Le pr
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