tot fait prisonnier, ce qui augmenta le desordre, malgre le
sang-froid du colonel, qui resta du moins jusqu'a la dispersion de
l'etat-major.
Cet emoi pouvait n'etre que passager et n'avait rien en soi
d'irreparable. Maintes fois, au cours de leur trop glorieuse campagne,
les Allemands, a Froeschwiller, a Gravelotte, au Bourget, a Loigny meme,
ont subi de ces temps d'arret, qui malheureusement ne les ont pas prives
du succes final. D'autres troupes etaient toujours pretes a recueillir
les premieres par trop maltraitees. Les reserves, bien postees,
donnaient aussitot pendant que les chefs ralliaient les fuyards pour les
ramener en avant. La panique du 51e devait avoir au contraire de graves
consequences, car elle provoqua chez le general de Sonis une grande
crise psychologique.
"Je savais, a-t-il dit, que j'avais confie ma reserve d'artillerie a des
troupes d'infanterie sur lesquelles je pouvais compter et qui etaient
commandees par un homme de resolution et de courage. J'allai trouver
le colonel de Charette et je lui dis: "Il y a des laches la-bas qui se
debandent et compromettent le salut de l'armee; suivez-moi". Lui et ses
hommes me suivirent avec le plus noble enthousiasme; la nuit tombait. Il
y avait tellement d'entrain dans cette troupe, que les Allemands, qui
occupaient depuis le matin la ferme de Villours qu'ils avaient mise
en etat de defense, l'abandonnerent et se sauverent. J'avais un grand
espoir, une tres grande confiance dans ce mouvement en avant qui, je
l'esperais, entrainerait les deux regiments de marche dont j'ai parle.
Mais, accueilli par un feu tres vif de l'ennemi, le 51e lacha pied et
prit la fuite.... Je ne voulais pas moi-meme battre en retraite; je me
serais deshonore et j'aurais deshonore 300 braves zouaves de Charette
qui marchaient derriere moi et qui ne m'auraient jamais pardonne ce
crime."
Acte epique, qui a pu etre qualifie d'heroique folie. Tandis que les
anciens preux luttaient a armes egales et bardes de fer, ce nouveau
Roland, sans casque ni cuirasse, suivi seulement de quelques braves,
espera faire une trouee, avec cette poignee d'hommes, dans une ligne
de quatre-vingts bouches a feu qui concentraient sur un seul point une
avalanche d'obus et de mitraille. Et cependant 20 000 soldats dissemines
dans la plaine entre Guillonville et Terminiers, les chasseurs du 10e
bataillon, le general Deflandre et ses quatre regiments tous, impatients
de combattre, attendaient ses ordres a une po
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